(Ottawa) Le gouvernement fédéral prévoit que ses dépenses en matière de défense nationale s’approcheront un peu plus de son engagement financier à l’égard de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), mais pas parce qu’Ottawa a l’intention d’injecter plus d’argent dans l’armée.

En 2014, tous les pays membres de l’OTAN se sont entendus pour tenter de consacrer 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense d’ici 2024, tandis que l’alliance militaire cherchait à partager le fardeau de la protection contre de nouvelles menaces comme la Russie et la Chine.

Il y a deux ans, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il s’attendait à n’atteindre qu’une proportion de 1,4 % à temps pour 2024-25. Toutefois, le ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan, a déclaré cette semaine que le ratio devrait finalement atteindre 1,48 % du PIB, sans fournir plus d’explications.

Une telle hausse devrait représenter des dépenses supplémentaires de quelque deux milliards de dollars par année, mais le ministère a confirmé à La Presse canadienne qu’aucun investissement supplémentaire n’était prévu à son budget.

Le porte-parole du ministère de la Défense nationale, Daniel Le Bouthiller, explique plutôt la hausse du ratio par un ralentissement de la croissance économique plus important que prévu ainsi que par de plus grandes dépenses consacrées à des activités connexes comme celles de la Garde côtière canadienne et les avantages sociaux aux anciens combattants.

« Environ deux tiers de la hausse du ratio de 1,40 à 1,48 % seraient dus à une augmentation des prévisions [dans un autre ministère] et un tiers serait dû à la fluctuation des prévisions sur le PIB », a précisé par courriel M. Le Bouthillier.

Le gouvernement a inclus ces dépenses dans les calculs budgétaires depuis 2017 afin de répondre aux plaintes des États-Unis et des autres alliés de l’OTAN qui reprochent au Canada de ne pas investir assez dans ses Forces armées.

Au récent sommet de l’OTAN qui s’est déroulé à Londres, le président des États-Unis, Donald Trump, a de nouveau exprimé sa déception sur le pourcentage du PIB canadien consacré aux dépenses militaires. Lors de sa rencontre avec le premier ministre Justin Trudeau, il a d’ailleurs qualifié le Canada de légèrement délinquant à ce sujet.

Le Canada dépense actuellement environ 1,31 % de la valeur de son PIB dans sa défense et ne dispose d’aucun plan en vue d’atteindre le ratio de 2 %.

« Il ne paie pas 2 % et il devrait payer 2 %, a dénoncé à nouveau Donald Trump lors d’une rencontre avec la chancelière allemande Angela Merkel le 4 décembre. C’est le Canada. Ils ont de l’argent et ils devraient payer 2 %. »

Le gouvernement libéral refuse de dire s’il croit en cette cible de 2 % et préfère répéter que le Canada contribue en soldats et en équipement aux missions de l’OTAN en Lettonie, en Irak et ailleurs — une participation à l’alliance militaire qu’Ottawa juge plus significative.

La cible de dépenses constitue une manière imparfaite de mesurer la contribution de chaque État, soutient l’experte de l’OTAN et des affaires militaires de l’Université Queen, à Kingston, Stefanie von Hlatky.

Elle ajoute cependant que les pays alliés subissent les pressions de Donald Trump pour démontrer qu’ils en font davantage en matière de dépenses militaires. Une pression doublement plus forte pour Justin Trudeau depuis sa rencontre avec le président à Londres.

Le porte-parole de l’opposition en matière de Défense nationale, le conservateur James Bezan, accuse le gouvernement libéral de jouer avec les chiffres en essayant de mieux faire paraître le Canada sans avoir à investir dans les Forces armées.

« C’est un triste constat pour nos héros militaires de voir que Justin Trudeau ne peut améliorer le ratio des dépenses en défense qu’en fabriquant une récession et en impliquant d’autres ministères dans des tours de passe-passe budgétaires pour gonfler les chiffres », a-t-il dénoncé.