(Montréal) Pour déterminer la quantité de diverses drogues consommées par les Canadiens, Statistique Canada a analysé les eaux usées de cinq grandes villes au pays. Les résultats montrent notamment que la consommation de cannabis semblait plus élevée à Montréal et à Halifax qu’à Vancouver, Toronto et Edmonton.

Ces grands centres urbains du pays ont été visés par un projet-pilote d’un an, réalisé par l’organisme fédéral de statistiques. Il s’agissait d’analyser l’eau rejetée par les toilettes pour estimer la consommation réelle de diverses drogues.

Cela pourrait répondre à une préoccupation souvent soulevée : lorsque questionnés par sondage, les citoyens révèlent-ils leur réelle consommation de drogue, ou hésitent-ils à la dévoiler, parce qu’ils craignent que les données ne soient pas confidentielles ?

Pour réaliser cette analyse, Statistique Canada a fait recueillir et analyser des échantillons d’eau à l’entrée des usines de traitement, entre mars 2018 et février 2019. Des spécimens ont été prélevés toutes les 30 minutes, chaque jour, pendant une semaine. Ces résultats ont servi à calculer les estimations de consommation mensuelles.

Les zones d’essai combinées desservent 8,4 millions de Canadiens, soit environ 20 % de la population, note l’organisme. L’analyse ne peut toutefois être considérée comme représentative de toute la population.

Le but de ce projet-pilote ? « Mesurer de manière efficace et anonyme la consommation totale de certaines drogues dans la société et pour estimer la taille du marché non réglementé de ces drogues », souligne Statistique Canada. Évidemment, le cannabis récréatif est désormais légal pour les adultes canadiens.

Les résultats suggèrent que la consommation de drogues courantes au Canada varie de ville en ville.

Par exemple, la consommation de cannabis semblait plus élevée à Montréal et à Halifax, alors que la consommation de méthamphétamine — une drogue illicite — avait tendance à être plus élevée par personne à Vancouver et à Edmonton. Les concentrations de méthamphétamine étaient extrêmement faibles à Halifax, « six fois plus faibles qu’à Toronto, la deuxième ville ayant enregistré la concentration la plus faible ».

« Ce qui laisse entendre que même des grandes villes au sein d’un même pays peuvent avoir des profils distincts de consommation de drogues », est-il écrit dans l’analyse.

Quant à la consommation de cocaïne, elle semble être similaire dans les villes pilotes, la moyenne s’établissant à 340 grammes par million de personnes par semaine.

Pour calculer les concentrations de cannabis, Statistique Canada explique qu’un composé appelé 11-nor-9-carboxy-tétrahydrocannabinol (THC-COOH) sert de marqueur présent dans les eaux usées parce que l’organisme en produit après avoir fumé ou ingéré du cannabis. La charge moyenne de THC-COOH trouvée dans les eaux usées pour tous les sites combinés était de 450 grammes par million de personnes par semaine.

Montréal et Halifax ont toutefois enregistré des charges de ce composé de 2,5 à 3,8 fois plus élevées que Vancouver, Toronto et Edmonton.

La consommation de cannabis a été estimée à 84 tonnes dans l’ensemble des sites d’essai au cours de la période de 12 mois, « mais l’incertitude liée au pourcentage de THC-COOH excrété dans l’urine et dans les matières fécales après la consommation de cannabis a une incidence sur la précision des estimations », est-il écrit dans la note d’analyse. D’autres recherches sont nécessaires, indique Statistique Canada, qui souhaite raffiner encore plus l’analyse de ces résultats. S’il s’agit d’une première application de cette méthodologie sur les cinq villes pour l’organisme fédéral, la méthode n’est pas nouvelle et a déjà été éprouvée, indique Caroline Pelletier, méthodologiste auprès de Statistique Canada.

Les estimations obtenues pour la cocaïne et la méthamphétamine étaient plus précises : la consommation totale a été estimée à 370 kg de cocaïne et à 310 kg de méthamphétamine. Quant aux opioïdes, la méthode a rencontré plusieurs obstacles, notamment parce que ces drogues et médicaments se dégradent rapidement dans l’eau.

Les résultats de l’essai pilote démontrent que l’échantillonnage des eaux usées présente une source de données potentielles pour mesurer la consommation totale de certaines drogues à l’échelle municipale et que cette source pourrait être utilisée, de concert avec d’autres données, pour estimer la quantité totale de drogues illicites consommées.

L’analyse comporte toutefois certaines limites : elle ne fournit de renseignements ni sur le nombre de personnes qui ont consommé ces drogues, ni sur les caractéristiques de ces personnes, ni sur la façon dont elles ont été consommées.