(Fredericton) Le gouvernement fédéral a invité à la même table, vendredi, des représentants de la municipalité d’Oka et de la communauté voisine de Kanesatake afin de discuter d’un litige concernant un projet foncier qui a fait renaître de vieilles tensions dans la région.

Marc Miller, secrétaire parlementaire de la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, a déclaré mardi que le gouvernement fédéral voulait permettre aux deux parties de s’asseoir à une même table et de préciser leurs attentes.

Des relents de crise d’Oka sont apparus après l’annonce d’un propriétaire foncier de la région, Grégoire Gollin, de faire don au conseil mohawk de Kanesatake des 60 hectares de la fameuse pinède, théâtre il y a 29 ans d’un affrontement meurtrier. La cession serait réalisée dans le cadre du Programme fédéral des dons écologiques, qui procure d’importants avantages fiscaux aux propriétaires de terres « écosensibles » qui souhaitent « protéger la nature et transmettre un héritage aux générations futures ».

M. Gollin a expliqué qu’il avait agi dans un esprit de réconciliation lorsqu’il a signé l’accord de cession. Il est également prêt à discuter de la vente de 150 hectares supplémentaires au gouvernement fédéral, afin de les transférer éventuellement à la communauté mohawk — dont la moitié est adjacente, selon lui, au territoire de Kanesatake.

Le maire d’Oka, Pascal Quevillon, craint que sa municipalité soit petit à petit enclavée par la communauté de Kanesatake, ce qui entraînerait selon lui une diminution de la valeur des propriétés. Il a aussi déclaré que sa municipalité ne voulait pas de ces « cabanes à cigarettes et à pot » qui envahissent le territoire mohawk.

Le grand chef de Kanesatake, Serge Simon, a demandé des excuses, affirmant que le maire avait instrumentalisé à des fins politiques des problèmes sociaux auxquels sa communauté est confrontée. Dans une entrevue au quotidien « Le Devoir », publiée mardi, le chef Simon déplore toutefois la prolifération de ces « cabanes à pot » dans sa communauté. Se disant impuissant, le chef Simon réclame la création d’un corps de police autochtone pour Kanesatake.

Des paroles « irresponsables »

« La semaine dernière a été difficile, car beaucoup de paroles ont été échangées, certaines très vives, d’autres irresponsables », a déclaré le député montréalais Marc Miller aux journalistes, mardi, en marge de l’assemblée annuelle de l’Assemblée des Premières Nations, à Fredericton. « Les deux parties en ressentent les effets, mais la chose la plus importante que nous ayons essayé de dire — et le gouvernement du Québec s’est fait l’écho de cela —, c’est que ces discussions, même si elles sont difficiles, doivent avoir lieu dans le plus grand respect. »

Selon M. Miller, ce qu’on a oublié dans toute cette guerre de mots, c’est que les deux communautés voisines ont vécu en paix la majeure partie de leur existence. Le secrétaire parlementaire a mis en garde contre les « commentaires insouciants » du maire d’Oka à propos de ses voisins, affirmant que de fausses affirmations — comme parler d’une « expropriation déguisée » — n’avaient pas contribué à la hauteur du débat.

« Certains des mots qu’il a prononcés ont été insouciants, il a depuis été un peu plus mesuré dans ses déclarations publiques », a estimé M. Miller.

La ministre Carolyn Bennett a également mis en garde contre la tentation de désinformation. « Tout le monde est concerné, tout le monde veut que nous trouvions une solution pacifique », a déclaré Mme Bennett. « Pour que les gens comprennent à quel point c’est complexe et à quel point il est important que les communautés d’Oka et de Kanesatake s’entendent réellement et comprennent leurs préoccupations respectives. »

La crise d’Oka avait débuté le 11 juillet 1990, lorsque des policiers de la Sûreté du Québec ont donné l’assaut au petit matin sur des manifestants de Kanesatake qui occupaient la pinède. Les militants, appuyés par des « Warriors » armés venus d’autres communautés mohawks, voulaient empêcher la municipalité d’Oka d’empiéter sur une partie du cimetière ancestral autochtone afin d’agrandir un terrain de golf. L’affrontement avait coûté la vie au policier Marcel Lemay.

Après 78 jours d’occupation — et l’intervention de l’armée —, un accord avait finalement été conclu, au début de l’automne, pour lever les barricades, en échange de l’annulation de l’agrandissement du terrain de golf.