(Montréal) Le taux d’agressions sexuelles signalées à la police a encore augmenté au pays en 2018, relève Statistique Canada, et il ne semble pas y avoir d’essoufflement dans le nombre de plaintes déposées par les victimes, près de deux ans après que le mouvement de dénonciation #moiaussi soit devenu viral.

L’année 2018 a connu une hausse des agressions sexuelles rapportées à la police de 15 % par rapport à l’année précédente.

Une « augmentation considérable », pour une deuxième année de suite, remarque l’organisme fédéral de statistiques dans son plus récent rapport sur le crime, dévoilé lundi.

En tout, quelque 28 700 agressions de cette nature ont été déclarées aux forces policières l’an dernier.

La quasi-totalité (98 %) de ces agressions déclarées a été classée comme étant de niveau 1, ce qui veut dire qu’elles n’impliquaient pas d’arme ou n’avaient pas causé de lésions corporelles apparentes à la victime, ajoute Statistique Canada dans son rapport. Ce qui ne signifie pas qu’elles ne laissent pas de blessures psychologiques.

Le mouvement de dénonciation des agressions sexuelles #moiaussi a connu son apogée dans les réseaux sociaux en octobre 2017. Tout de suite après, Statistique Canada a constaté que le nombre d’agressions sexuelles signalées à la police et jugées fondées avait explosé. Il rapportait alors que le nombre moyen de victimes d’agressions sexuelles déclarées à la police au pays était passé de 59 par jour avant #moiaussi à 74 après la naissance du mouvement. Bref, une hausse de 25 % pour la période d’octobre à décembre 2017, comparée à la période équivalente en 2016.

« Il y avait clairement un effet #metoo », a commenté en entrevue Yvan Clermont, le directeur du Centre canadien de la statistique juridique, une division de Statistique Canada.

Ce qui a été constaté à la fin de 2017, « s’est poursuivi au cours des mois de 2018. Alors il ne semble pas y avoir eu d’essoufflement du mouvement sur l’incitation des victimes à rapporter ces crimes-là », a-t-il poursuivi.

Mais cette tendance n’a pas commencé en 2017 : l’organisme fédéral de statistiques souligne qu’il s’agit de la quatrième augmentation annuelle consécutive du taux d’agressions sexuelles.

Malgré ces hausses des plaintes déposées auprès de la police, un triste constat s’impose : cela ne serait encore que la pointe de l’iceberg. « Le nombre d’agressions sexuelles déclarées par la police est vraisemblablement une sous-estimation du nombre réel d’agressions sexuelles survenues au Canada, puisqu’il arrive souvent que ces types d’infractions ne soient pas signalés à la police », est-il écrit dans le rapport. Il est estimé que seulement 5 % des victimes portent plainte. « C’est très peu », juge M. Clermont.

Un autre facteur qui a joué est que la définition d’un « crime jugé non fondé » a été modifiée. Bref, cela a fait en sorte que plus d’infractions sont désormais considérées fondées, menant à une augmentation du taux de criminalité.

Il faut aussi noter que ces chiffres ne permettent pas de conclure qu’il y a eu une hausse des agressions sexuelles au pays. Ce qui est dégagé par les données est que les présumées victimes ont été plus nombreuses à porter plainte auprès de la police.

Fraude et cannabis

Les données dévoilées lundi révèlent aussi une augmentation de 2 % des crimes au pays, toutes infractions confondues.

Il s’agit là aussi d’une quatrième hausse consécutive, « alors que depuis 1991 (le sommet), on avait noté pratiquement que des baisses », rappelle M. Clermont.

L’indice de gravité des crimes a aussi augmenté de 2 % dans le même intervalle. Cet indice permet de tenir compte du fait que les crimes les moins graves sont souvent plus fréquents, alors que des crimes graves comme les meurtres sont plus rares.

L’augmentation de 13 % des fraudes — incluant le vol d’identité et la fraude d’identité — au Canada a contribué à l’augmentation globale du crime.

Statistique Canada a par contre noté une diminution de 13 % des crimes haineux. Ils avaient bondi en 2017 de 47 %. Malgré ce recul, le nombre de crimes haineux demeure plus élevé que celui enregistré chaque année depuis 2009 — sauf pour 2017, note l’organisme.

Quant au cannabis, on peut se demander si sa légalisation le 17 octobre 2018 a eu un impact sur le nombre de crimes commis en lien avec cette drogue.

Mais il est encore trop tôt pour le mesurer, dit M. Clermont. Statistique Canada ne détient les données que pour 2018, et le cannabis n’a été légal cette année-là que 2 mois et demi. Il faudra attendre pour tirer des conclusions, avertit-il.

Mais de façon générale, les crimes reliés à cette substance avaient déjà commencé à baisser depuis le début des années 2010.

Le directeur du Centre canadien de la statistique juridique note toutefois une « exception notable » qui l’a étonné : en 2018, les infractions d’importation et d’exportation de cannabis ont augmenté de 22 %.