(Ottawa) L’arrivée à échéance d’un accord prévoyant des primes de maintien en poste pour les employés des centres de paye fédéraux pourrait bloquer, voire inverser, les progrès accomplis dans la réduction d’un énorme arriéré de problèmes de rémunération générés par le système Phénix, préviennent des employés.

« Les gens sont fatigués, ils sont frustrés, ils sont épuisés », a déclaré Donna Whalen, conseillère en rémunération du principal centre de paye du gouvernement à Miramichi, au Nouveau-Brunswick.

« Ils sont en train d’éliminer cet incitatif, qui nous donne une raison d’y aller et d’en faire un peu plus tous les jours. »

Depuis août 2017, le gouvernement fédéral offre des incitatifs aux travailleurs qui tentent de résoudre une montagne de problèmes créés par Phénix, notamment des paiements insuffisants, des paiements excédentaires et parfois même une absence totale de rémunération pour des milliers de fonctionnaires.

Mais un avis prévoyant les incitatifs, qui comprenaient des fonds pour recruter et retenir des spécialistes de la rémunération, ainsi que des primes majorées pour les heures supplémentaires, a expiré en juin, sans que rien n’indique qu’il y aura un renouvellement.

Cela soulève des questions sur les engagements pris par le gouvernement Trudeau en vue d’éliminer un important arriéré de dossiers de paye erronée.

L’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), qui représente la grande majorité des employés du gouvernement fédéral, a déclaré avoir demandé à plusieurs reprises une prolongation de l’entente, mais qu’aucune mesure n’avait été prise.

« Il est scandaleux que le gouvernement ait laissé cet accord expirer quelques semaines à peine après que le directeur parlementaire du budget eut déclaré que les employés de la fonction publique resteraient pris avec Phénix jusqu’en 2023, au moins », a affirmé le président national de l’AFPC, Chris Aylward.

Le gouvernement conservateur précédent avait mis à pied des centaines de conseillers en rémunération afin de faire économiser de l’argent aux contribuables, une fois le système de paye Phénix mis en place.

Cependant, des failles dans le système ont rapidement créé des problèmes de rémunération pour des dizaines de milliers de travailleurs surpayés, sous-payés ou non payés, obligeant le gouvernement Trudeau à se démener pour réembaucher des spécialistes en rémunération capables de traiter un nombre croissant de plaintes.

Ces employés des centres de rémunération ont progressivement réduit l’arriéré de problèmes de paye depuis le début de l’année. Toutefois, s’il n’y a plus d’incitatifs pour les garder au travail, l’AFPC s’inquiète de voir l’arriéré reprendre de l’ampleur.

Les incitatifs incluaient un paiement de 4000 $ aux conseillers en rémunération — les employés des centres de paye chargés de stabiliser Phénix — ainsi qu’une rémunération à temps double pour les heures supplémentaires.

« Souvent, un certain nombre de personnes resteront une heure ou une demi-heure supplémentaire », a indiqué Mme Whalen. « La personne moyenne [au centre de paye] fait du temps supplémentaire, presque chaque jour, pour compléter ce cas ou cette transaction. »

D’autres employés des centres de paye qui ont parlé à La Presse canadienne, mais qui ne veulent pas être identifiés à cause de préoccupations liées à leur emploi, ont déclaré s’attendre à ce que certains conseillers en rémunération commencent à travailler le dimanche, ce qui, en vertu de leurs contrats, paiera toujours à temps double, mais cesseront de faire du temps supplémentaire pendant la semaine.

Dans une déclaration, le Secrétariat du Conseil du Trésor, qui supervise les efforts visant à remplacer Phénix par un autre système de paye, a affirmé que le recrutement et le maintien en poste de conseillers en rémunération expérimentés étaient « critiques » pour réduire l’arriéré de problèmes de paye.

Il a de plus indiqué que l’expiration des incitatifs pour les employés était liée aux négociations contractuelles en cours avec l’AFPC, mais n’a pas voulu en dire davantage.

« Par respect pour la confidentialité des négociations en vue du renouvellement des conventions collectives, nous ne commenterons pas davantage », a écrit le porte-parole Martin Potvin par courriel.