(Québec) Le premier ministre François Legault promet de «poser des actions rapidement» pour répondre au rapport «très dur» de l’Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées. Il juge toutefois que l’utilisation du terme «génocide» est inappropriée.

«Un génocide, c’est quand on veut de façon systématique faire disparaître une nation. Je ne pense pas qu’on parle de ça. Mais on parle de quelque chose de vraiment très grave: beaucoup de cas de femmes et de filles qui ont été violentées, qui sont disparues, qui n’ont pas reçu l’aide qu’elles auraient dû recevoir. […] Je ne veux pas minimiser ce qui est arrivé, mais en même temps quand on regarde la définition de ce mot-là, on peut se demander si ça s’applique», a affirmé M. Legault lors d’une mêlée de presse.

Le premier ministre reconnaît que le rapport «est très dur contre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec». Un rapport complémentaire vise exclusivement le Québec, notamment en raison de l’existence de plusieurs ententes tripartites entre l’État québécois, Ottawa et les nations autochtones.

«De toute évidence, on n’en a pas fait assez pour aider, pour protéger les femmes et les filles autochtones. Et on va vraiment, dans chacun des ministères, prendre connaissance du rapport et poser des actions rapidement. Je pense entre autres à la Sécurité publique. Il faut en faire plus pour aider les femmes autochtones qui sont violentées, en faire plus pour essayer de retrouver les filles qui sont disparues. Tous les services d’aide dans pas mal tous les ministères doivent être revus», a soutenu M. Legault.

La commission d’enquête recommande la création d’une entité indépendante semblable au Protecteur du citoyen mais concernant les autochtones. «On n’exclut pas ça», a répondu le premier ministre, soucieux par ailleurs de respecter «l’autonomie des nations autochtones» dans le traitement des recommandations.

Il «n’exclut pas» non plus le lancement d’une enquête sur les enfants disparus, comme le recommande l’enquête. Avant de statuer, il attend le rapport, prévu cet automne, de la commission Viens sur les relations entre les autochtones et certains services publics. Cette commission a été créée par le gouvernement du Québec en 2016.

Mot controversé

Les partis à l’Assemblée nationale ont réservé des accueils différents à l’utilisation du mot «génocide» par l'Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées.

La députée du Parti libéral, Marwah Rizqy, a jugé appropriée l’utilisation de ce terme chargé.

«On parle de milliers de jeunes femmes qui sont portées disparues, qui n’ont pas été retrouvées et qu’il n’y a même pas eu le début d’une enquête, a-t-elle noté. Alors effectivement, le terme qui a été utilisé par les commissaires est à propos.»

La co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, a abondé dans le même sens.

«La situation est grave, elle est très grave et on le sait depuis des décennies maintenant, a-t-elle dit. Alors l’utilisation d’un mot comme "génocide" vient nous mettre tout le monde les yeux devant les trous.»

Le chef du Parti québécois, Pascal Bérubé, estime que les autochtones ont bien été victimes d’un «génocide culturel de la part du Canada», mais pas d’un «génocide» comme ceux de la Turquie, de l’Allemagne et du Rwanda. Selon lui, les autorités doivent vite donner suite aux recommandations de l’Enquête.

«Nous sommes d’avis que les femmes autochtones, tout au cours de l’histoire, ont été touchées très durement par la discrimination, par les crimes, a dit M. Bérubé. Les recommandations de cette commission devront être suivies.»

- Avec la collaboration de Martin Croteau