(Ottawa) Des responsables d’Affaires mondiales Canada voulaient que la ministre des Affaires étrangères dise à un haut responsable du Parti communiste chinois que la Chine devait cesser de diffuser des informations « inexactes » sur le système de justice canadien dans la foulée de l’arrestation de Meng Wanzhou, la dirigeante de Huawei.

L’appel téléphonique n’a finalement pas eu lieu, mais il était initialement prévu que Chrystia Freeland s’entretienne avec le conseiller d’État Yang Jiechi, qui dirige le bureau politique du parti, le 20 décembre, soit dix jours après l’arrestation des Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor pour des accusations non précisées liées à la sécurité nationale.

Les deux hommes restent emprisonnés, sans avoir accès aux services d’un avocat ou à leur famille, et reçoivent des visites consulaires de diplomates canadiens environ une fois par mois.

Meng Wanzhou a été arrêtée à Vancouver en vertu d’un mandat d’extradition délivré par les États-Unis. Elle est assignée à résidence dans un manoir après avoir été libérée sous caution.

L’arrestation de Mme Meng a irrité la Chine, et affecté ses relations avec le Canada à un niveau sans précédent. Les événements ont également donné suite à de nombreuses allégations selon lesquelles les actions du Canada étaient illégales ou faisaient partie d’une stratégie politique menée par l’administration Trump aux États-Unis.

Mme Freeland et ses collègues du cabinet ont assuré que l’arrestation de Mme Meng était légale et que ses droits étaient protégés. Ils plaident qu’elle fait l’objet d’une procédure judiciaire distincte des manœuvres politiques.

Une semaine avant la date prévue de la conférence téléphonique, l’ambassadeur de la Chine au Canada, Lu Shaye, avait qualifié l’arrestation de Mme Meng « d’erreur judiciaire » dans une lettre d’opinion publiée par le journal Globe and Mail.

Une représentation « inexacte »

Une note d’information préparée pour l’appel qui devait avoir lieu entre Mme Freeland et M. Yang suggère que, en privé, le gouvernement dénonçait les propos de la Chine selon lesquels les droits judiciaires de Mme Meng étaient en péril au Canada.

« Exhortons la Chine à renoncer à une représentation inexacte du processus judiciaire et du traitement de Mme Meng par le Canada », est-il écrit dans la note.

« Tandis que la communauté internationale observe la situation, incitez la Chine à ne pas nuire aux relations bilatérales, en raison d’une situation consulaire unique, quelle que soit sa visibilité. »

La note, obtenue en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, invitait Mme Freeland à transmettre un message clé : le Canada traite Mme Meng mieux que MM. Kovrig et Spavor.

En janvier, M. Lu a persisté et signé, cette fois-ci dans un texte publié dans The Hill Times. Il écrivait que la Chine faisait l’objet d’un double standard aux États-Unis et au Royaume-Uni.

« La raison pour laquelle certaines personnes ont l’habitude d’adopter de manière arrogante le double standard est due à l’égocentrisme occidental et à la suprématie blanche, a-t-il soutenu. Ce qu’ils ont fait, ce n’est pas de respecter la règle de droit, mais bien de se moquer et de piétiner la règle de droit. »

Freeland veut parler à son homologue

Mardi, Mme Freeland a déclaré au Comité des affaires étrangères de la Chambre des communes qu’elle attendait toujours de parler au ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Li.

« En ce qui concerne mes contacts avec mes homologues chinois, j’ai parlé à quelques reprises directement avec l’ambassadeur de Chine au Canada », a précisé Mme Freeland mardi.

« Je serais heureuse d’avoir une conversation directe avec Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères. Nous avons clairement indiqué aux autorités chinoises que nous étions prêts pour cette conversation. »

Mme Freeland a par ailleurs salué le courage et la débrouillardise de MM. Kovrig et Spavor, que des diplomates canadiens ont rencontrés environ une fois par mois depuis leur détention.

Note aux lecteurs : Version corrigée. La version précédente affirmait que la ministre Freeland avait tenu ces propos décrits dans une note de breffage. En fait, l’appel téléphonique n’a jamais eu lieu.