(Ottawa) Le coût de l’achat et de la mise en place d’un nouveau système de rémunération pour les fonctionnaires fédéraux devrait être minime comparativement au prix à payer pour « stabiliser » le système Phénix actuel, indique un nouveau rapport du Directeur parlementaire du budget (DPB).

Réparer les dégâts causés par Phénix coûtera 2,6 milliards et prendra encore quatre ans, a soutenu jeudi le DPB. Le remplacer ? Une somme relativement modeste de 57 millions, étalés sur six ans. Cela dépendra toutefois beaucoup de la complexité du nouveau système retenu et des éventuelles modifications que le gouvernement devra apporter pour tenir compte de tout ce qui ira au-delà des dizaines de milliers de règles actuellement utilisées dans le calcul de la rémunération des employés fédéraux, précise le directeur parlementaire du budget.

« Le logiciel de traitement de la paye doit être en mesure d’appliquer ces facteurs, appelés “règles de paye”, pour calculer le montant à verser à chaque employé, note le DPB dans son rapport. Plus il existe de règles de paye, plus il est difficile de configurer et de personnaliser un système de paye disponible sur le marché. »

Un nouveau système nécessiterait les données appropriées, qui seraient extraites d’un Phénix stabilisé, et c’est là que se trouvent les dépenses les plus importantes, prévient le DPB.

L’estimation du DPB pour le remplacement de Phénix comprend les coûts d’approvisionnement, des tests et de la formation, considérés comme des dépenses ponctuelles. Il existe également des coûts permanents, tels que les frais d’abonnement aux logiciels, les coûts de main-d’œuvre et l’exploitation du centre de rémunération du gouvernement, actuellement situé à Miramichi, au Nouveau-Brunswick.

Le directeur parlementaire du budget prévoit que l’exploitation d’un nouveau système de paye coûterait ensuite entre 101,9 et 105,7 millions par an à compter de 2024, ce qui devrait permettre de réaliser des économies considérables par rapport à ce que le gouvernement dépensait auparavant.

Toutefois, le DPB n’a pas inclus ce qui pourrait être des dépenses considérables, notamment la « personnalisation » du nouveau système de paye, le coût du transfert des données de Phénix vers le nouveau système et la possibilité d’exploiter temporairement deux systèmes simultanément. Il pourrait également y avoir des dépenses supplémentaires, telles que le coût des conseillers en rémunération internes, que les ministères pourraient choisir de garder, et le règlement des poursuites ou des plaintes déposées à cause des ratés de Phénix.

En 2018, le gouvernement Trudeau a affecté 16 millions sur deux ans à la recherche d’un remplaçant pour Phénix, mais le budget de 2019 ne prévoyait aucune nouvelle somme.

Toujours des ratés

Phénix a causé d’énormes maux de tête aux fonctionnaires fédéraux depuis son lancement en 2016 : certains ont été trop payés — et ont dû ensuite rembourser —, d’autres n’ont pas été assez payés, et d’autres encore n’ont rien reçu du tout. Les derniers chiffres du Centre des services de paye de la fonction publique indiquent que le système Phénix connaît toujours des ratés. En date du 17 avril, le centre affichait encore un arriéré de 245 000 transactions de paiement au-delà du volume normal.

Selon Services publics et Approvisionnement Canada, le ministère qui gère les salaires de plus de 300 000 employés fédéraux, environ 80 000 « règles de paye » régissaient le mode de rémunération des fonctionnaires en 2006-2007. Ni le ministère ni le Secrétariat du Conseil du Trésor ne pouvait fournir une estimation du nombre actuel de règles de paye, a déclaré le directeur parlementaire du budget. Cependant, des représentants du gouvernement au courant d’un projet lancé l’année dernière pour compiler le nombre réel de règles indiquent que le total semble aujourd’hui plus près de 5000.

L’Alliance de la fonction publique du Canada, qui représente environ 140 000 fonctionnaires fédéraux, entretient des doutes sur le remplacement complet de Phénix d’ici 2023, date suggérée par le DPB. « Je dirais plutôt cinq à dix ans avant que tout soit réglé », a déclaré le président national de l’Alliance, Chris Aylward.

Un autre syndicat, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, envisage des délais plus courts. La présidente, Debi Daviau, s’attend à ce que le gouvernement commence à tester de nouveaux systèmes potentiels dès le mois prochain.

La semaine dernière, le gouvernement a invité les « candidats qualifiés » à participer à l’appel de propositions pour entrer dans une troisième phase de développement d’un nouveau système de gestion des ressources humaines et des payes. Selon des sources proches du processus d’appel d’offres, trois entreprises soumissionnaires seraient encore dans la course : Ceridian, SAP et Workday.

Les syndicats ont prévenu que les défaillances du système Phénix et la lenteur à lui trouver un remplaçant hanteront les libéraux fédéraux lors de la prochaine campagne électorale.