Le gouvernement progressiste-conservateur du Nouveau-Brunswick élimine l'exigence de bilinguisme pour les ambulanciers paramédicaux dans certaines régions unilingues de la province - la seule officiellement bilingue au pays.

Les efforts de la province pour remédier à la pénurie d'ambulanciers paramédicaux bilingues sont devenus un enjeu polarisant au cours de la récente campagne électorale provinciale. Des défenseurs du fait français soutiennent que toute modification visant à affaiblir cette exigence pourrait constituer une violation de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Loi provinciale sur les langues officielles.

« Je considère que ces mesures sont dans l'intérêt des Néo-Brunswickois, car je donne la priorité à leur vie et leur sécurité, a soutenu mardi le ministre de la Santé, Ted Flemming. Pour moi, il n'y a pas d'autre voie à suivre. » Le ministre a ajouté que ce changement ne serait apporté que dans les régions majoritairement unilingues du Nouveau-Brunswick.

Ce changement a été annoncé par le gouvernement minoritaire de Blaine Higgs avant même l'examen judiciaire des exigences linguistiques pour les ambulanciers, qui doit commencer le mois prochain. Un tribunal avait statué l'année dernière que des services paramédicaux bilingues devaient être fournis dans toute la province, mais un arbitre du travail a estimé ensuite qu'il pourrait y avoir des moyens d'assouplir ces exigences de bilinguisme.

Le gouvernement libéral de Brian Gallant, défait aux dernières élections, avait demandé un examen judiciaire afin de guider les élus dans leurs décisions. Mais en annonçant le mois dernier la création d'un service de transferts ambulanciers, pour les cas non urgents, qui ne nécessitera pas d'employés bilingues, le gouvernement conservateur avait toutefois déclaré qu'il envisageait de mettre un terme à cette révision judiciaire. Le ministre Flemming a toutefois indiqué mardi que la révision suivrait son cours.

« Un parti anti-bilinguisme »

Le chef de l'Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, un petit parti qui détient la balance du pouvoir dans le gouvernement Higgs, s'opposait à l'examen judiciaire des exigences linguistiques, mais il a accepté de soutenir cette procédure, en échange de l'embauche de personnel paramédical à temps plein.

« En fin de compte, il s'agit d'une victoire pour les Néo-Brunswickois, a estimé Kris Austin. Nous affirmons depuis des années que les exigences linguistiques mettaient des vies en danger. Cette annonce permettra d'éviter cela et mettra davantage d'ambulanciers sur la route. Cela garantira la disponibilité d'un plus grand nombre d'ambulanciers et d'ambulances dans les secteurs francophones et anglophones. »

Kevin Arseneau, député acadien du Parti vert, a critiqué le gouvernement conservateur pour avoir consulté l'Alliance avant cette annonce, alors qu'il n'a informé son parti que quelques heures plus tôt. Il trouve « totalement inacceptable, voire insultant pour la majorité des habitants de la province » de voir « un parti anti-bilinguisme négocier le renvoi devant les tribunaux de droits linguistiques ».

M. Austin a relevé le gant de façon cinglante. « Quelqu'un se soucie-t-il vraiment de ce que Kevin Arseneau a à dire ? C'est manifestement un radical. Il peut bien faire ce qu'il veut, je ferai pareil. »

Une décision « alarmante »

Le ministre de la Santé a estimé de son côté que les ambulances ne devraient pas rester garées dans les stationnements simplement parce qu'il y a pénurie d'employés suffisamment bilingues.

Le ministre Flemming a estimé que la décision de la cour n'avait aucun poids puisqu'il s'agissait simplement d'une ordonnance par consentement signée par deux avocats. Il a déclaré que, quelles que soient les conclusions de l'examen judiciaire, il ne changera pas d'idée jusqu'à ce qu'un tribunal lui ordonne de faire autrement.

Robert McKee, porte-parole de l'opposition libérale en matière de justice, s'est réjoui que la révision judiciaire suive finalement son cours. Mais il trouve alarmant que le gouvernement conservateur suive les recommandations de l'arbitre sans connaître l'issue de cette révision.

« Nous sommes d'avis que cette décision ne respectait pas les droits linguistiques : nous pourrions nous retrouver dans la situation où un Néo-Brunswickois n'a pas la possibilité de recevoir des services dans la langue de son choix », a déclaré M. McKee. « Il est inquiétant que ce gouvernement croie être au-dessus des lois. »

Chris Hood, directeur de l'Association des paramédics du Nouveau-Brunswick, s'est dit ravi de cette nouvelle, car cela pourrait signifier l'embauche de 100 ambulanciers supplémentaires. « Pour nous, cela apporte une certaine stabilité au système, mais en même temps, nous reconnaissons le droit des citoyens à être servis dans la langue de leur choix », a déclaré M. Hood, qui espère que la révision judiciaire apportera certains éclaircissements dans ce dossier.