Le maire d'Ottawa, Jim Watson, fait l'objet d'une procédure légale qui pourrait forcer les politiciens de tout le pays à remettre en question leur utilisation des réseaux sociaux.

Trois citoyens de la ville cherchent en effet à obtenir une ordonnance du tribunal confirmant que M. Watson a violé leur droit constitutionnel à la liberté d'expression en les bloquant sur son fil Twitter.

Jim Watson a soutenu, mercredi, qu'il s'agissait de son compte Twitter personnel et qu'il avait le droit de décider qui pouvait voir ses publications ou les commenter.

Dans une brève déclaration, le maire a affirmé qu'il était légitime de refuser d'être attaqué et harcelé de façon régulière par les mêmes personnes.

M. Watson a dit croire au respect dans le discours public et a souligné que ce type de comportement ne serait pas toléré dans un débat en face à face.

Mais, Paul Champ, l'avocat représentant les demandeurs, plaide que le maire Watson utilise son compte Twitter pour communiquer avec les Ottaviens sur des enjeux municipaux et qu'il est donc « profondément antidémocratique » de bloquer certains résidants.

« Le maire Watson est un élu municipal qui utilise son compte Twitter à des fins publiques et pour ses activités publiques. Il l'utilise pour diffuser des annonces, des politiques, des règlements, des mesures d'urgence et toutes sortes d'informations liées aux affaires municipales de la Ville d'Ottawa », a énuméré Me Champ en entrevue.

« Les résidants d'Ottawa, qui sont citoyens, ont le droit de consulter ces messages et, s'ils le souhaitent, comme le permet la plateforme Twitter, d'exprimer leur opinion sur ces sujets », a renchéri l'avocat.

Me Champ prétend que ces mêmes arguments pourraient s'appliquer à d'autres réseaux sociaux comme Facebook, sur lesquels les politiciens suppriment régulièrement des commentaires qu'ils jugent désagréables ou offensants, et auxquels ils ne veulent pas être associés.

Les trois plaignants sont l'avocate Emilie Taman, candidate à deux reprises sous la bannière du Nouveau Parti démocratique, James Hutt, un employé du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, et Dylan Penner, attaché de presse du Conseil des Canadiens.

Selon Paul Champ, il est « complètement faux » de suggérer que l'un ou l'autre des demandeurs a attaqué ou harcelé le maire Watson. D'après l'avocat, ils ont toujours fait preuve de politesse dans leurs critiques ou leurs questions sur les politiques ou les déclarations de M. Watson. Il maintient qu'ils semblent avoir été bloqués simplement parce que Jim Watson n'aimait pas ce qu'ils avaient à dire.

Si la poursuite a gain de cause, l'affaire pourrait avoir des répercussions sur tous les politiciens du pays.

La plupart des politiciens, en particulier les femmes, ont fait l'expérience de « trolls » qui utilisent les réseaux sociaux pour répandre la haine, les insultes ou les blasphèmes, ou qui deviennent tout simplement des parasites persistants et odieux. La plupart des victimes ont probablement bloqué ces individus sur Twitter ou d'autres plateformes.

Me Champ reconnaît que le droit à la liberté d'expression n'est pas absolu et que le fait de bloquer des propos haineux, offensants ou harcelants peut être justifié en vertu de la Charte des droits et libertés. Pour ce faire, les politiciens devraient utiliser leur jugement pour décider quand le blocage est approprié et quand il ne l'est pas, ce qui peut être un peu délicat.

L'affaire, la première du genre au Canada, doit être entendue le 31 janvier devant la Cour supérieure de l'Ontario.

En mai dernier, un juge fédéral américain avait déclaré que le président Donald Trump avait violé les droits constitutionnels de sept utilisateurs de Twitter qui ne pouvaient plus lire ou répondre à ses publications. La Maison-Blanche a fait appel de la décision, mais a débloqué les sept individus.