Sans eux, la tâche aurait été insurmontable. Par une chaleur accablante, ils ont sacrifié leur journée de congé pour donner un coup de main à un proche. Ils ont transporté des dizaines de boîtes qui pèsent une tonne et des électroménagers qui passent à peine à travers les portes. Hommage aux « anges du déménagement ».

AMIES D'ENFANCE

Lorsque Clara Séguin et Sarah Bissonnette ont découvert l'état du petit quatre et demie dans lequel elles s'apprêtaient à s'installer, dimanche, elles étaient soulagées d'être bien entourées.

L'une de leurs amies s'est lancée dans le ménage de la salle de bains laissée dans un état douteux par les anciens locataires. « On a beaucoup, beaucoup de ménage à faire », résume Clara, 21 ans. « Disons que je vais me rappeler longtemps mon premier déménagement, ajoute son amie d'enfance Sarah. C'est du sport. »

Guylaine Duplessis - la mère de Clara - et son conjoint auraient pu rester au frais sur le bord du lac Memphrémagog, où ils résident, plutôt que de venir s'éreinter sous un soleil cuisant à Montréal. « On aurait pu, mais en même temps, ma fille aurait déménagé sur un autre continent que je serais allée l'aider, affirme Mme Duplessis. C'est ma fille ! »

Robert Skinner, La Presse

Les anges du déménagement de Clara et de Sarah sont Marie-Pier Lamarre (soeur de Clara), Laura Normandin (cousine de Clara), Christian-Zaak Dubois (ami), Marie-Catherine Bissonnette (soeur de Sarah), Guylaine Duplessis (mère de Clara) et Pierre Lange (beau-père de Clara).

DÉMÉNAGEMENTS À RÉPÉTITION

Denis Audette est descendu de Rouyn-Noranda pour venir aider son fils Julien, 27 ans, à déménager de son logement de Rosemont à son nouvel appartement dans Villeray. Il y a quatre ans, alors qu'il pensait que son fils en était à son dernier déménagement, le père de famille a troqué sa minifourgonnette pour un petit véhicule utilitaire sport (VUS).

« Finalement, depuis quatre ans, je l'ai déménagé trois autres fois. Je n'aurais peut-être pas dû la vendre », raconte le père, le front perlé de sueur. « Et ce n'est pas fini : ma fille rentre à l'École de technologie supérieure en septembre », poursuit-il avant d'éclater de rire.

Robert Skinner, La Presse

L'ange de déménagement de Julien Audette est son père, Denis.

LA FAMILLE AVANT TOUT

Assis dans son unique fauteuil posé sur le trottoir du chemin Queen-Mary, Franck Ngartola était plongé dans ses pensées lorsque La Presse l'a croisé dimanche.

Le jeune homme de 18 ans s'apprête à voler de ses propres ailes après avoir vécu quelque temps avec son frère et sa soeur aînés dans un logement de la métropole alors que leurs parents sont restés dans leur Tchad natal. « Un moment donné, il faut que je devienne responsable », dit-il. Son déménagement a débuté sur une bien mauvaise note. Il s'est fait dérober son ventilateur laissé sur le trottoir sans surveillance quelques instants avec le reste de ses maigres avoirs alors qu'il s'affairait à rentrer des boîtes dans son trois et demie. « Une chance que mon frère est là pour m'aider », a-t-il lancé, déterminé à ne pas se laisser abattre.

La veille, son frère Jonathan a déménagé leur soeur. Puis dimanche, il a donné un coup de main à Franck. Et toi, Jonathan, tu déménages aussi ? lui demande-t-on. « Oui, tout est dans ma voiture, répond-il. Mais je peux attendre. C'est la famille d'abord. »

Robert Skinner, La Presse

Franck Ngartola (à gauche), 18 ans, a emménagé hier dans son premier appartemetn dans le quartier Côte-des-Neiges. C'est son grand frère Jonathan qui est son ange du déménagement.

ENFIN RÉUNIS

Originaire de l'Abitibi, Mathieu Bastien-St-Jean a vécu avec de nombreux colocataires depuis son arrivée à Montréal il y a quatre ans, dont son frère jumeau William.

Puis, les deux frères sont allés vivre « chacun de leur côté ». Ils ont tenté de vivre l'un sans l'autre (William est parti étudier dans une université mexicaine). Sans succès.

Dimanche, les jumeaux de « 25 ans - dans trois jours » avaient l'air de deux gamins qui s'apprêtent à faire un mauvais coup. C'est qu'ils déménagent à nouveau sous le même toit. « On n'est pas capables de couper le cordon », dit William en lançant un regard complice à son frère.

BONNE HUMEUR À TOUTE ÉPREUVE

Sur le balcon du logement que Laurence Mélançon, 23 ans, partageait jusqu'à dimanche avec un cousin et une cousine dans le quartier Villeray, on se serait cru à Noël.

Ses parents, son frère, ses cousins, son oncle et sa tante se croisaient dans l'escalier extérieur en colimaçon les bras chargés de boîtes (à défaut des cadeaux) dans une bonne humeur à toute épreuve. Ils ont multiplié les allers-retours entre le logement situé au deuxième étage et les camions de déménagement sans jamais perdre le sourire. Leurs vêtements trempés par la sueur en disaient toutefois long sur la difficulté de l'exercice en pleine canicule.

« Maman un jour, maman toujours », lance la mère de Laurence, Chantal Lambert. Quant au jeune frère de Laurence, William, 19 ans, il avait une motivation bien personnelle à aider sa grande soeur : « Je n'ai pas le choix, si je veux qu'elle vienne m'aider quand ce sera mon tour. » Souhaitons-leur qu'il fasse moins chaud ce jour-là.

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LES LOCATAIRES REVENDIQUENT UN CONTRÔLE DES LOYERS


Les hausses de loyer seront marquées pour les 200 000 ménages locataires qui changeront d'adresse cet été, soutient le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), puisque le Québec n'a ni contrôle obligatoire des loyers ni registre des loyers. Ainsi, de nombreux propriétaires en profitent pour augmenter abusivement le prix de leurs logements lors des déménagements, selon le RCLALQ. « Sans contrôle obligatoire des loyers [comme en Ontario, par un pourcentage s'appliquant à l'ensemble des loyers], les locataires doivent tenir tête à leur propriétaire alors qu'ils n'ont pas les renseignements nécessaires pour juger si la hausse demandée est légitime ou non », a expliqué le porte-parole du RCLALQ, Maxime Roy-Allard, dans un communiqué. Les nouveaux locataires ont la possibilité de faire fixer leur loyer s'ils jugent que la hausse est trop élevée, mais leurs recours sont faibles puisqu'ils n'ont que rarement accès à l'ancien prix payé pour le logement, toujours selon le RCLALQ. Avec un registre des loyers, les locataires pourraient faire fixer leur loyer en toute connaissance de cause, conclut l'organisme de défense des droits des locataires.

Robert Skinner, La Presse

L'ange du déménagement de Mathieu Bastien-St-Jean (à l'avant-plan) est son frère jumeau William.