La grève illégale des grutiers sur les chantiers du nouveau pont Champlain et de l'échangeur Turcot pourrait entraîner la mise à pied de travailleurs d'autres métiers qui se retrouvent à court de matériaux et de composantes pour effectuer leur travail, affirme la Commission de la construction du Québec (CCQ) dans une demande d'ordonnance déposée mercredi.

Devant composer avec un mouvement de grève illégale qui ne s'arrête pas, la CCQ souhaite convaincre le Tribunal administratif du Travail qu'il y a urgence d'ordonner un retour au travail des grutiers et de forcer ceux-ci à reprendre les heures supplémentaires.

La requête indique que le chantier du futur pont compte en tout 50 grues, conduites par 90 grutiers. Vendredi dernier, « ceux-ci ont tous déclaré être malades », écrit un des 16 inspecteurs de la CCQ dans une déclaration sous serment à l'appui de la demande d'ordonnance. Les moyens de pression avaient commencé quelques jours plus tôt, par le refus des grutiers de faire des heures supplémentaires, nécessaires pour respecter les délais serrés de construction de l'ouvrage.

Un directeur de la CCQ, Benoît Thibault, affirme que « des rencontres ont eu lieu de façon régulière dans les dernières semaines » aux bureaux des syndicats « dans le but d'encourager collectivement un ralentissement de travail et un arrêt concerté de travail des grutiers ».

Une soixantaine de grutiers du chantier de l'échangeur Turcot ont aussi débrayé, selon le document. Un inspecteur qui a effectué une visite le 18 juin dernier affirme avoir rencontré un grutier qui refusait de participer aux moyens de pression, mais qui a dit que lui et ses collègues ont « été forcés de cesser de travailler à la demande d'un groupe d'individus » qui avait précisé que le mouvement de grève « allait durer toute la semaine ». « Les salariés ont exprimé des craintes s'ils ne devaient pas suivre le mouvement », lit-on dans une autre déclaration sous serment.

DES CHANTIERS MENACÉS ?

La requête judiciaire précise que le chantier de l'usine de filtration Atwater et celui de l'hôpital Maisonneuve-Rosement sont touchés. La Société de transport de Montréal (STM) a également contacté la CCQ pour « faire état de l'impact de l'absence de grutiers au chantier du Garage Côte-Vertu, un projet de 440 [millions] ».

La CCQ soutient qu'il y a urgence d'agir : « L'absence de grutiers aux chantiers stoppe à toute fin pratique les travaux, puisque cela empêche le ravitaillement des composantes et des matériaux nécessaires à l'ensemble de la main-d'oeuvre au chantier, dont la conséquence est une mise à pied éventuelle de travailleurs privant ceux-ci de leur salaire », écrivent les avocats de la commission.

Les syndicats qui représentent les grutiers s'exposent à des amendes allant jusqu'à 80 000 $ par jour s'il est prouvé qu'ils ont « ordonné, encouragé ou appuyé » une grève illégale. 

Les grutiers ont entamé des moyens de pression pour dénoncer une nouvelle réglementation permettant à des ouvriers non spécialisés d'être aux commandes des camions à flèche (boom trucks), type de grue mobile dont l'opération est traditionnellement exclusivement réservée aux titulaires de carte d'opérateur de grue. L'Union des opérateurs grutiers (section locale 791-G), affiliée à la FTQ-Construction, affirme qu'il s'agit d'une façon déguisée de la CCQ de faire du contrôle de la main-d'oeuvre.