À moins de pluies torrentielles, les crues printanières de 2018 ne devraient pas se transformer en cauchemar pour les riverains du Québec. Depuis décembre, les niveaux des réservoirs de tête d'Hydro-Québec sont abaissés progressivemen afin d'emmagasiner de l'eau. Et des opérations de carottage ont été menées dans plusieurs régions pour évaluer l'ampleur de la fonte des neiges.

Limiter l'étendue de l'eau

« C'est certain que nos barrages ne permettent pas d'éviter les inondations, mais ils permettent de limiter l'étendue de l'eau », a affirmé la responsable des rivières du Québec, Julie Sbeghen, directrice Planification de la production à Hydro-Québec. À quelques jours de l'arrivée officielle du printemps, Hydro-Québec a ouvert les portes de sa centrale hydroélectrique de Carillon, secteur Argenteuil, où le niveau de l'eau peut être abaissé de 60 cm en amont. La société d'État s'engage à être « proactive » plutôt que « réactive » dans sa gestion des mesures d'urgence cette année.

Réservoirs journaliers

Cartes et graphiques à l'appui, l'ingénieur Pierre-Marc Rondeau a démystifié les opérations d'Hydro-Québec sur la rivière des Outaouais. Contrairement à l'idée reçue, a-t-il dit, la centrale hydroélectrique de Carillon ne peut pas stocker de l'eau. « Les gens pensent à tort qu'on peut retenir l'eau à Carillon, a expliqué l'ingénieur. Ici, on a des réservoirs journaliers, donc l'eau doit sortir. En 2017, Carillon a reçu 2600 fois le volume que la centrale pouvait contenir. »

Jusqu'en Abitibi

Et pour comprendre le fonctionnement des 63 centrales et 650 barrages, il faut regarder l'ensemble du Québec et de l'Ontario, a-t-il ajouté. « Le réflexe premier de la population est de regarder la première centrale, Carillon, et de se demander pourquoi on laisse passer autant d'eau. En réalité, il faut regarder tout le bassin versant de la rivière, qui va au nord jusqu'en Abitibi, et dont les deux tiers (65 %) se situent au Québec. On parle de 1100 km de rivières. »

Réservoir annuel

Hydro-Québec a largement parlé de Baskatong, un réservoir situé au nord de Mercier, où le niveau de l'eau est réduit en hiver pour pouvoir emmagasiner au printemps. Le réservoir a une capacité de 3050 hectomètres cubes d'eau ou, pour faire une image, 1 million de piscines olympiques. Alors qu'environ 4000 riverains ont été frappés par la crue l'an dernier, entre mars et juin, le réservoir a reçu 1,9 fois son volume. « Donc, avec toute l'eau qu'on a reçue l'an dernier, on a pu en mettre la moitié derrière le réservoir. C'est de l'eau qui ne s'est pas retrouvée dans l'archipel de Montréal », a ajouté l'ingénieur. La crue 2017 a possiblement été la plus importante depuis 1882, ajoute-t-on. « On peut penser qu'on ne connaîtra pas une crue de cette ampleur dans les 10 à 15 prochaines années. »

Surveillance permanente

Environ 70 personnes gravitent autour de la centrale hydroélectrique Carillon. Il y a les météorologues, les hydrologues, les spécialistes et les ingénieurs. « C'est la centrale gardienne, donc il y a des opérateurs même la nuit », a expliqué le chef de production, Louis-Marie Miljours. L'année est divisée en trois périodes : janvier, où la demande en électricité est à son plus fort avec les grands froids, ensuite, il y a février et mars, où commence l'entretien des 12 portes évacuatrices de la centrale, puis, il y a la crue et l'entretien, qui recommence jusqu'à la pointe de janvier, ajoute-t-il. « Carillon a 55 ans, il y a donc des travaux de mise à niveau à effectuer. »

Photo Ulysse Lemerise, collaboration spéciale

Hydro-Québec s'engage à être « proactive » plutôt que « réactive » dans sa gestion des mesures d'urgence cette année.

Photo Ulysse Lemerise, collaboration spéciale

Pierre-Marc Rondeau, ingénieur chez Hydro-Québec