Une enquête de La Presse a rebondi à l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées lors de sa deuxième journée d'audiences à Montréal, hier.

Françoise Ruperthouse, originaire de la communauté algonquine de Pikogan, près d'Amos en Abitibi, a raconté aux commissaires comment son frère Tony, un an et demi, et sa soeur Emily, cinq ans, ont disparu à un an d'intervalle après avoir été hospitalisés à l'Hôtel-Dieu d'Amos.

Le garçon souffrait d'une bronchopneumonie. La fillette avait eu une réaction allergique après avoir été piquée par une abeille.

Ce n'est pas la première fois qu'une famille autochtone raconte avoir ainsi perdu la trace d'un proche après une hospitalisation, comme l'a indiqué la commissaire Michèle Audette hier. « Ce ne sont pas des cas isolés. On a entendu des histoires en Colombie-Britannique, à Yellowknife, à Whitehorse, à Maliotenam. »

En décembre, au terme de plus d'un an de recherches, d'entrevues et de démarches pour obtenir des documents confidentiels, La Presse a retrouvé la trace des enfants Ruperthouse.

Aux parents, on a dit que Tony était mort bébé. Il a plutôt vécu jusqu'à l'âge de sept ans dans un hôpital pour personnes handicapées de Baie-Saint-Paul surnommé à l'époque l'hôpital des monstres.

La Presse a trouvé le lieu où il est enterré à 900 km de chez lui, une fosse commune réservée aux orphelins et aux sans-famille du cimetière des Petites Franciscaines de Marie, la congrégation qui s'occupait de l'établissement.

30 ANS DE RECHERCHES

Un an plus tard, c'était au tour d'Emily de disparaître. Il a fallu 30 ans à la famille pour la retrouver vivante, elle aussi à l'hôpital de Baie-Saint-Paul. Elle était très lourdement handicapée. « Avant qu'elle disparaisse, elle courait et elle criait », dit pourtant Françoise Ruperthouse.

Hier, c'est avec beaucoup d'émotion qu'elle a parlé au nom de sa famille. « Maman n'a pas été capable de venir. On a beaucoup pleuré. Elle m'a demandé de donner un coup de poing à ceux qui ont fait ça à ses enfants », a-t-elle dit à La Presse avant de témoigner.

Aux commissaires, elle a raconté la détresse de ses parents.

« Ils ne parlaient pas français. Ils ne parlaient pas anglais. Ils ne savaient pas ce qui se passait. Pendant des années, ils se sont demandé ce qui était arrivé à leurs bébés. Ça me brise le coeur de savoir qu'ils ont souffert toute leur vie. »

Mme Ruperthouse a plusieurs fois répété qu'elle ne comprenait pas pourquoi aucune instance officielle n'avait informé la famille de ce qui était advenu des enfants. « Ils n'étaient pas capables de joindre mes parents pour ça, mais ils arrivaient à joindre tous les autres parents pour envoyer leurs enfants au pensionnat. Ça n'a pas de sens. »

Elle a demandé aux commissaires de l'aider à comprendre ce qui est arrivé à son frère et à sa soeur durant la période de leur disparition. « Je veux savoir ce qu'ils leur ont fait », a-t-elle dit.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Françoise Ruperthouse était accompagnée de sa fille (au centre), hier. Sur l'écran, une photo de la soeur de Françoise, Emily, que sa famille a retrouvée lourdement handicapée, 30 ans après sa disparition.