Exaspéré par le racisme envers les autochtones au Canada, Joel Holmberg, un résidant de l'Alberta, propose de partager sa terre avec des citoyens des Premières Nations.

Joel Holmberg en a eu ras le bol.

Quand un agriculteur blanc a été acquitté par un jury composé de 12 Blancs du meurtre non prémédité du jeune autochtone Colten Boushie, en Saskatchewan, le mois dernier - décision qui a même fait réagir le premier ministre Justin Trudeau -, M. Holmberg a lancé un cri du coeur.

« Je lisais les commentaires racistes au sujet des autochtones sur l'internet et je me suis dit : c'est assez. Il faut faire quelque chose. »

Ce quelque chose a pris une forme inédite : M. Holmberg a décidé d'inviter les autochtones à vivre sur sa terre, un lot de deux hectares situé à Barrhead, à 100 km d'Edmonton.

« Toute famille des Premières Nations désireuse de vivre sur la terre, d'y chasser, d'y pêcher, de la cultiver et d'y passer sa vie en accord avec sa culture [...] peut communiquer avec moi », a-t-il écrit dans un billet publié sur Facebook.

La terre en question est « vaste » et « beaucoup d'orignaux » y vivent, a ajouté M. Holmberg.

« Cette terre est le travail de ma vie, je vais la payer pour les 20 prochaines années, mais en réalité c'est une terre volée, j'en suis conscient. [...] Vous pouvez vivre ici sans payer de loyer, sans frais », a affirmé Joel Holmberg.

En entrevue avec La Presse, M. Holmberg dit que son offre a été vue autour du monde. « À ce jour, j'ai reçu plus de 1000 messages de partout dans le monde, tous positifs, précise-t-il. Les gens me soutiennent et appuient mon projet. »

En Alberta, plusieurs aînés autochtones lui ont rendu visite. « Ils viennent ici, on boit du thé et ils me disent qu'ils comprennent l'esprit de mon offre, ils sont très reconnaissants. »

Le procès de l'agriculteur blanc Gerald Stanley a été la bougie d'allumage de son projet. Le 9 août 2016, Gerald Stanley a tué Colten Boushie, 22 ans, d'une balle dans la tête, alors que ce dernier se trouvait sur sa propriété. Gerald Stanley a dit avoir atteint le jeune homme par erreur, qu'il cherchait plutôt à l'effrayer.

Plusieurs experts indépendants ont depuis critiqué le travail de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans ce dossier, notamment en ce qui a trait à la préservation de la preuve : la voiture de Colten Boushie a été laissée sous la pluie, portière ouverte, ce qui a entraîné la destruction d'éléments de preuve. La GRC a aussi effectué une descente dans la maison de la mère de la victime, Debbie Baptiste, dans les heures ayant suivi la mort de son fils.

Le 9 février dernier, un jury composé de 12 Blancs a déclaré Gerald Stanley non coupable d'homicide involontaire. Cette décision a provoqué une onde de choc dans la communauté crie, qui invoque des décennies d'abus et de racisme aux mains des Blancs, de la justice et des agents de la Gendarmerie royale.

Hier, la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC a annoncé l'ouverture d'une enquête sur le travail du corps de police en Saskatchewan après la mort de Colten Boushie. L'organisme indépendant veut notamment savoir si les actions de la GRC « ont été discriminatoires en fonction de la race ».

M. Holmberg a noté que la décision du tribunal avait provoqué une vague de propos haineux envers les Cris sur les réseaux sociaux. « Dans les Prairies, les gens disaient des choses horribles, des choses racistes, explique M. Holmberg. Je trouvais ça dégoûtant. Ça m'a brisé le coeur de voir l'ignorance des gens. »

Selon lui, la majorité des Canadiens vivent dans le déni. « Nous sommes sur des terres volées. C'est la réalité. Des milliers de milliards de dollars en ressources ont été volés au cours des 500 dernières années, et les gens des Premières Nations continuent de souffrir. »

Les citoyens des Premières Nations ne veulent pas d'argent, ils veulent des terres, dit-il.

« C'est ce qui leur permet de perpétuer leur culture, leurs traditions, leur spiritualité. Trudeau devrait leur donner les terres de la Couronne. Le gouvernement ne pourrait pas soutenir financièrement le dédommagement des Premières Nations pour tout ce que nous leur avons pris depuis que les Européens sont venus ici. Cela représenterait une somme astronomique. »

Joel Holmberg croit-il que des gens des Premières Nations vont accepter son offre et déménager sur sa terre ?

« Il va y avoir une famille qui va venir vivre ici de façon permanente, et nous allons léguer la terre à nos enfants et à leurs enfants. Nous allons aussi organiser des camps culturels, il y aura des cérémonies, des huttes à sudation... Les gens disent que je suis généreux. Au contraire, la façon dont je vois les choses, c'est que c'est ma famille qui va pouvoir vivre tout cela et en profiter. »

Photo fournie par Joel Holmberg

Exaspéré par le racisme envers les autochtones au Canada, Joel Holmberg, un résidant de l'Alberta, propose de partager sa terre avec des citoyens des Premières Nations.

Photo Justin Tang, Archives La Presse Canadienne

Debbie Baptiste tient une photo de son fils Colten Boushie lors d'une conférence de presse à Ottawa après l'acquittement de Gerald Stanley.