Le gouvernement fédéral lance des négociations pour régler à l'amiable trois actions collectives proposées par d'anciens membres des Forces armées canadiennes qui disent avoir expérimenté du harcèlement et de la discrimination lorsqu'ils portaient l'uniforme.

Cette décision survient deux semaines après que le premier ministre Justin Trudeau eut critiqué le ministère de la Justice relativement à sa réaction aux possibles poursuites. Le gouvernement a toutefois refusé de dire si les propos de M. Trudeau avaient joué un rôle dans ce nouveau développement.

Le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, a annoncé l'ouverture des pourparlers vendredi, affirmant que les plaignants avaient accepté de suspendre leurs poursuites et que le gouvernement renonçait en échange à contester les recours collectifs afin de régler le tout à l'amiable.

Deux des poursuites proposées ont été intentées par d'anciens membres de l'armée qui disent avoir été agressés et harcelés sexuellement lorsqu'ils portaient l'uniforme. La troisième action collective concerne des allégations de racisme systémique et de discrimination contre les minorités visibles et les membres d'origine autochtone.

«Nous sommes impatients d'entamer les discussions en vue de permettre aux victimes et aux survivants d'agression sexuelle, de racisme, de harcèlement et de discrimination d'être reconnus, de guérir et de tourner la page», a déclaré le ministre dans un communiqué.

«Nous sommes pleinement conscients de l'impact que peuvent avoir le racisme et les comportements sexuels préjudiciables et inappropriés sur ceux qui en sont victimes et survivants. Ces comportements, de même que la discrimination fondée sur le genre ou la race, doivent cesser dans notre société.»

Les représentants du gouvernement n'ont pas fourni d'autres détails, notamment sur le moment où les discussions commenceront et sur ce qui a provoqué ce changement de cap.

Intervention du premier ministre

Mais Garth Myers, un avocat de la firme torontoise Koskie Minsky - l'une des cinq impliquées dans les poursuites - a indiqué qu'il y a deux semaines à peine, le gouvernement prévoyait encore se battre devant les tribunaux.

C'est à ce moment que le premier ministre Trudeau a déclaré que les avocats du ministère de la Justice avaient tort de soutenir que le gouvernement n'avait pas «d'obligation de diligence de droit privé» le contraignant à assurer aux militaires un environnement de travail sécuritaire et exempt de harcèlement.

Il avait demandé à la ministre Jody Wilson-Raybould de «faire le suivi avec les avocats pour s'assurer que nous plaidons des choses qui sont cohérentes avec la philosophie du gouvernement».

Me Myers a dit ne pas savoir s'il y avait une relation de cause à effet entre l'intervention de M. Trudeau et la nouvelle annoncée vendredi, mais il a confirmé que l'entente entre le gouvernement et les bureaux d'avocats était survenue peu après les commentaires du premier ministre.

Bien que les trois poursuites aient été suspendues, elles n'ont pas été abandonnées pour autant.

Les avocats des deux poursuites portant sur des inconduites sexuelles devaient présenter leurs arguments devant la Cour fédérale au mois de juillet, afin d'expliquer pourquoi l'action collective devrait être autorisée. L'autre poursuite devait suivre ces mêmes procédures en avril.

Les trois dossiers ont été reportés à l'année prochaine pour permettre la tenue des négociations.

«Nos clients sont heureux que le Canada soit ouvert à venir à la table et à s'engager dans des discussions exploratoires sur un règlement à l'amiable. Cela représente un changement de cap et un développement très positif pour eux», a déclaré Me Myers.

«Cependant, ils sont évidemment hésitants à se débarrasser complètement de ces dates et ils veulent aller de l'avant si les négociations sont rompues.»

Les actions collectives proposées pour les allégations d'inconduite sexuelle regroupent plusieurs poursuites qui avaient été intentées en 2016 et 2017. Les cas ont finalement été rassemblés dans deux poursuites distinctes, l'une pour les hommes et l'autre pour les femmes.

La troisième a été intentée à Halifax en décembre 2016. Marc Frenette, Wallace Fowler et Jean-Pierre Robillard disent avoir été victimes de discrimination raciale systémique et de harcèlement qui se seraient manifestés par des insultes, des menaces et des occasions d'emploi perdues.

Les commandants militaires tentent depuis quelques années de trouver des moyens d'éliminer l'inconduite sexuelle et de rendre l'armée plus représentative de la diversité canadienne.

Le chef d'état-major, Jonathan Vance, a souligné l'importance de recruter les membres au sein des populations qui ont historiquement été sous-représentées dans l'armée.

«Je vois (la diversité) comme une question de survie pour l'armée», a-t-il déclaré vendredi en conférence de presse.