La baisse des tarifs pour les vols intra-Québec annoncée par Air Canada a été accueillie avec scepticisme par les élus rassemblés au Sommet sur le transport aérien régional, vendredi. Le maire de Québec, Régis Labeaume, a critiqué durement la société en l'accusant d'abuser de sa situation de « monopole ».

Tel que rapporté par La Presse, le transporteur a révisé sa grille tarifaire au terme de plusieurs mois de pourparlers avec la Fédération québécoise des municipalités (FQM). L'entreprise a accepté de baisser le prix de ses forfaits de 10 ou de 30 billets pour les vols en région.

L'annonce coïncide avec le Sommet, alors qu'Air Canada subit de vives pressions des élus pour réduire le coût exorbitant des liaisons régionales. Un vol Montréal-Gaspé, par exemple, coûte généralement plus cher qu'un vol Montréal-Pékin.

La décision du transporteur n'impressionne guère le maire de Québec, Régis Labeaume. En point de presse, il a attaqué sans ménagement l'attitude d'Air Canada, qui dévoile « le côté le plus laid du capitalisme », selon lui.

« Dans deux semaines, ils vont remonter les prix, a-t-il lancé. Ne vous en faites pas, ils sont comme ça. »

Selon lui, il faut « casser » la situation de monopole dans laquelle se trouve Air Canada sur plusieurs liaisons aériennes. Le maire reproche à l'entreprise de s'en servir pour écarter d'éventuels concurrents, qui pourraient exercer une pression à la baisse sur les prix.

« On ne peut pas accepter un monopole comme celui-là en 2018, a dit M. Labeaume. Air Canada, quand on les conteste un peu, comme par hasard, le prix des billets baisse. Là, il y a un colloque, le billet baisse. Ils voient une compagnie arriver dans un aéroport, ils baissent les billets, ils cassent les prix et la compagnie n'est pas capable de suivre. Ils s'en vont et ils remontent les prix. »

Air Canada a fait valoir que sa baisse de tarifs vise à stimuler la demande. L'entreprise a aussi fait valoir que rien n'empêche d'autres transporteurs de desservir les régions du Québec.

« Nous tenons à préciser que l'industrie est déréglementée et d'autres transporteurs sont présents dans les régions du Québec et sur différentes destinations sur lesquelles nous exploitons nos vols, a souligné la porte-parole de l'entreprise, Isabelle Arthur. En tant que compagnie privée nous devons nous assurer de la rentabilité de chaque vol que nous exploitons et ainsi que la fréquence des vols offerts. »

Le président de l'Union des municipalités, Alexandre Cusson, se dit heureux de la révision de tarifs du transporteur aérien, mais cette mesure est insuffisante à ses yeux.

« On parle d'achat de dizaines de billets, a noté M. Cusson. Pour les touristes, pour monsieur et madame Tout-le-Monde qui veut visiter de la famille ou visiter une région du Québec, ce n'est pas intéressant. »

Le maire des Îles-de-la-Madeleine, Jonathan Lapierre, est aussi vice-président de la FQM, qui a négocié pendant plusieurs mois avec Air Canada. Il ne doute guère de la bonne foi d'Air Canada, notant que le transporteur avait baissé le coût des billets achetés à l'avance à l'automne, et que cette réduction est toujours en vigueur.

« On a entamé des discussions sérieuses avec eux, qui aboutissent petit à petit à un certain nombre de résultats, a dit M. Lapierre. Et l'annonce faite ce matin en collaboration avec Air Canada en est la continuité. Est-ce que ça règle en tous points la situation du transport aérien dans les régions ? La réponse est non. Est-ce que ça contribue à aider ? La réponse est oui. »

La porte-parole d'Air Canada n'avait pas réagi aux déclarations des élus au moment d'écrire ces lignes.

Couillard optimiste

Le premier ministre Philippe Couillard, qui participe aux discussions à Lévis, estime que l'annonce d'Air Canada est un « effet positif du Sommet » qu'il a convoqué il y a 18 mois. Il annoncera aujourd'hui d'autres mesures pour améliorer la desserte aérienne en région et faire baisser le coût des billets.

« Le fait de mettre un sujet sur la table publiquement, d'exprimer les préoccupations des citoyens, a déjà un impact, a dit M. Couillard. Je pense que ça va avoir un impact encore plus grand pendant le sommet. »

Mais le Parti québécois ne voit pas les choses ainsi. Selon la députée de Duplessis, Lorraine Richard, la mesure ne change rien aux problèmes de desserte des régions éloignées comme la Côte-Nord.

« C'est de la poudre aux yeux, a-t-elle dénoncé. Je ne suis pas gênée de vous le dire ce matin. Air Canada, pour les citoyens comme moi qui prennent l'avion régulièrement, c'est le pire transporteur. »

Le PQ propose presse Québec d'exiger d'Ottawa un prix plancher sur les billets d'avion, une stratégie qui empêcherait Air Canada de baisser ses tarifs pour bloquer l'arrivée de concurrents.