Le budget consacré à l'aide gouvernementale pour les demandeurs d'asile va faire un bond important cette année par rapport aux années précédentes, selon les données recueillies par La Presse canadienne.

Déjà, Québec a dépensé près de 21 millions de dollars en huit mois pour l'aide financière de dernier recours destinée aux demandeurs d'asile. À ce montant s'ajouteront d'ici la fin de l'année les dépenses effectuées par le gouvernement en santé, en éducation et pour l'hébergement des personnes.

Entre janvier et août 2017, la province a versé 20 930 584 de dollars en aide sociale aux ménages qui comptent un demandeur d'asile. À titre comparatif, Québec avait débloqué 18,6 millions pour ces prestataires en 2016, et 18,9 millions en 2015.

Une compilation des dépenses est actuellement en cours au gouvernement. Elle sera transmise au ministère de l'Immigration prochainement dans le cadre d'un processus de reddition de comptes, a appris La Presse canadienne.

Au cours des derniers mois, selon le ministre de l'Immigration, David Heurtel, plus de 10 000 personnes, dont la vaste majorité sont d'origine haïtienne, ont franchi la frontière depuis les États-Unis pour demander asile au Québec après que le président Donald Trump eut menacé de les renvoyer dans leur pays.

Seulement qu'en août, 5530 personnes ont traversé la frontière canado-américaine, près du poste frontalier Saint-Bernard-de-Lacolle.

En attente

Dans son Plan d'immigration déposé à l'Assemblée nationale à la fin octobre, le ministre soulignait que la plupart de ces personnes ne font pas partie des cibles d'admission du Québec pour 2018, puisqu'elles sont en attente d'un statut du gouvernement fédéral. Québec prévoit admettre entre 2500 et 2800 réfugiés l'an prochain.

Les demandeurs auront entre autres à prouver qu'ils seront persécutés dans leur pays d'origine en raison de leur ethnie, croyances, orientation sexuelle, etc. Si Ottawa juge leur demande recevable, ils pourront demander l'asile, et s'ils l'obtiennent, être reconnus comme réfugiés pour finalement faire une demande de résidence permanente.

Entre temps, à peine une infime partie d'entre eux ont un permis de travail, a confirmé le ministre Heurtel, qui assure toutefois qu'Ottawa accélère la cadence.

«Le gouvernement Couillard est dépassé, croit pour sa part la porte-parole de la Coalition avenir Québec (CAQ), Nathalie Roy. Quand on ouvre les bras, on ouvre les portes, on reçoit les gens avec des ballons, venez-vous en, venez-vous en, pis dans le fond on n'a pas l'intention d'en prendre plus que 3000. (...) Il y a un double discours, c'est hypocrite, c'est de l'improvisation, c'est un manque de planification.»

La CAQ s'interroge sur les coûts de cette vaste opération d'accueil. «En ce qui a trait à l'aide sociale, jusqu'à la fin août, on a payé 21 millions. Ben là, ça va continuer là», a ajouté la députée Roy, qui déplore le manque de transparence des ministères de la Santé et de l'Éducation, entre autres.

«Ça a coûté combien s'assurer que ces gens-là sont en bonne santé, les services auxquels ils ont eu droit? En éducation, il y avait beaucoup d'enfants, on se souvient des images, ces enfants sont actuellement dans le système. Combien a-t-il fallu de professeurs de plus?» a-t-elle poursuivi, assurant cependant ne pas «remettre en doute» les obligations du Québec en cette matière.

Heurtel se veut rassurant

En mêlée de presse mercredi, David Heurtel a déclaré être «proactif» en disant aux demandeurs d'asile: «Attention, ce n'est pas un laissez-passer sans conséquence qui vous attend et il y a des procédures».

Mais il croit que le pays a «les ressources et les structures» pour traiter les demandes et coordonner une prochaine vague de migrants, si elle vient.

«Il y aura plus de permis de travail, et les demandeurs d'asile vont pouvoir contribuer de façon massive à l'économie québécoise», a-t-il dit, en répondant à une question du Parti québécois en Chambre.

M. Heurtel en a d'ailleurs profité pour décocher une flèche à l'endroit des partis d'opposition qui critiquent la gestion de l'arrivée massive des demandeurs d'asile.

«Le chef de l'opposition officielle (Jean-François Lisée) a dit: il faut fermer les frontières. Plus de permis pour personne, il faut fermer les frontières, il ne faut pas qu'ils rentrent. Et après ça on a eu l'odieux de traiter les demandeurs d'asile des »invités à Trudeau«, puis ils avaient juste à rentrer par la bonne porte», s'est-il indigné.

«Ces gens-là n'ont pas apprécié du tout et la communauté haïtienne québécoise n'a pas du tout apprécié ça», a-t-il ajouté.

M. Heurtel, qui fait partie du groupe de travail fédéral-provincial chargé de gérer l'arrivée de demandeurs d'asile à la frontière canadienne, a déjà évoqué la possibilité qu'Ottawa rembourse une partie des coûts assumés par le Québec.