Les critiques s'accumulent sur l'enquête nationale sur les femmes autochtones disparues ou assassinées à moins d'une semaine des premières audiences.

À l'exaspération des familles, s'ajoutent des tensions internes. Selon nos sources, les cinq commissaires auraient de la difficulté à s'entendre sur la façon de procéder.

La commissaire québécoise, Michèle Audette, reconnaît que les «gens ont beaucoup de pression sur les épaules» à cause de leur mandat «unique, particulier et intense», mais ajoute ne pas sentir de tensions dans l'équipe.

«Oui, des fois, il y a des petites étincelles, des petits débats d'idées ou de valeurs qu'on a ici entre commissaires, mais toujours dans un esprit de bien faire», a affirmé Michèle Audette en entrevue à La Presse canadienne, soulignant que les employés font «tout pour que ça avance».

En début de semaine, des familles de victimes ont menacé de boycotter les travaux de la commission lors d'une conférence de presse à Ottawa.

Les premières audiences de la commission débuteront à Whitehorse le 29 mai, mais elles ne reprendront ensuite qu'à l'automne.

La militante mohawk Ellen Gabriel déplore la lenteur des travaux.

«Ça semble être une farce», a-t-elle affirmé en entrevue à La Presse canadienne, jeudi, faisant ainsi écho aux propos de Bill Wilson, le père de la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, rapportés la veille par CBC.

«Je ne sais pas ce qui se passe, mais toutes les choses que les familles de ces femmes autochtones ont demandées ne se sont pas concrétisées», a-t-elle dit.

Ces commentaires s'ajoutent à une lettre ouverte signée la semaine dernière par une cinquantaine de militants et d'organismes autochtones qui faisait état de plusieurs problèmes et demandait aux commissaires de redresser la situation.

Michèle Audette défend le travail effectué à ce jour.

«On a commencé le 7 septembre à partir d'un décret et il a fallu analyser 13 autres décrets des provinces et territoires, bâtir une équipe, mettre en place un toit qui n'existait pas, un processus qui n'existait pas, des politiques et des façons dans une diversité culturelle incroyable, a-t-elle énuméré. Ce n'est pas homogène la culture autochtone.»

De nombreuses discussions avec les organismes nationaux et des rencontres informelles avec les familles ont également eu lieu au cours des derniers mois pour préparer les travaux de l'enquête.

La commission a jusqu'au 1er novembre 2018 pour soumettre ses recommandations au gouvernement, mais doit remettre un rapport provisoire dans six mois.

Les commissaires reconnaissent qu'elles ne seront pas en mesure de respecter cet échéancier.

«Nous avons entamé ces discussions-là et assez rapidement, nous allons avoir le montant et le temps», a affirmé Michèle Audette.

L'enquête dispose d'un budget de 53,8 millions. Son mandat vise à examiner les causes systémiques de la violence envers les femmes autochtones au pays.

Pas le moment d'abandonner

Si les critiques se multiplient, d'autres voix estiment que les commissaires doivent prendre le temps de faire les choses pour ne pas commettre d'erreurs.

C'est le cas de Bernie Williams, une militante autochtone du Downtown Eastside de Vancouver, qui a elle-même perdu des membres de sa famille.

«J'ai besoin de croire que nous aurons justice», a-t-elle confié.