L'avènement des véhicules autonomes, sans conducteur, devrait se traduire dans un avenir rapproché par des économies de 65 milliards par année, à l'échelle du pays, en comptant les accidents évités, le carburant économisé et la réduction de la congestion routière, selon des estimations produites en 2015 par le Conference Board du Canada.

L'implantation des véhicules automatisés de type commercial et industriel pourrait, en revanche, signifier la disparition pure et simple ou le « déplacement » des emplois de plus de 500 000 Canadiens qui gagnent leur vie en conduisant des camions de marchandises ou de courrier, sans parler des chauffeurs de taxi et d'autobus qui pourraient devenir les grands perdants de cette révolution technologique « perturbatrice ».

À mesure qu'on appréhende l'étendue des changements provoqués par l'avènement de cette technologie - et des contraintes préalables à son déploiement - plusieurs experts et groupes de recherche (Rand Corporation aux États-Unis, Victoria Transport Policy Institute au Canada) ont exprimé des réserves quant aux impacts réels qu'aura cette technologie et à la rapidité d'implantation de ce nouveau type de véhicules.

Il est encore impossible de prévoir si le déploiement des véhicules autonomes se fera en flottes de véhicules partagés, ou par la vente de véhicules individuels, mais les chercheurs de Rand estiment que l'impact global de cette technologie sur la congestion automobile demeure, aujourd'hui, « incertain ».

Le chercheur canadien Todd Litman a estimé pour sa part, dans une étude publiée au début de 2017, qu'on doit tenir compte d'exigences technologiques pour rendre les voitures sans conducteur parfaitement fiables sur le plan de la sécurité, et du temps nécessaire pour que de tels véhicules en viennent à dominer les ventes d'automobiles. Compte tenu de tels facteurs, il faudra attendre au moins jusqu'en 2040 pour ressentir les effets bénéfiques sur le plan de la sécurité routière et des émissions responsables des changements climatiques, et entre 2050 et 2060 pour réduire la congestion routière.

En entrevue à La Presse, le secrétaire général de l'Union internationale des transports publics (UITP), Alain Flausch, est plus optimiste. En dressant un parallèle avec l'avènement du téléphone intelligent, qui a provoqué de puissants changements en seulement quelques années dans la dynamique sociale et le fonctionnement des entreprises, il estime « possible » que la voiture autonome induise des effets aussi fulgurants.

« Il y a des choses qui peuvent changer très rapidement. On a vécu 80 ans dans une culture de l'automobile qui ne va pas changer en une décennie, mais il me semble qu'il y ait des signes positifs. Je suis raisonnablement optimiste que le changement peut se faire en 20 ans. »

Sommet des transports publics

L'avènement des véhicules autonomes, sans conducteur, et des services de mobilité « à la demande », poussés par l'usage de plus en généralisé de téléphones intelligents et des applications spécialisées, seront des thèmes centraux du sommet de l'UITP, qui se tient au Palais des congrès de Montréal, du 15 au 17 mai, sous le thème « Mener la transition ».

L'UITP regroupe plus de 1400 autorités et opérateurs de transports collectifs situés dans 96 pays.

Plus de 2000 participants en provenance de 80 pays sont attendus à l'occasion de ce grand rassemblement d'élus, de gestionnaires des transports publics et d'une multitude de fournisseurs de services qui tiendront salon. En parallèle, des délégués de partout dans le monde assisteront à plus de 50 conférences pour faire le point sur les innovations, les projets, les expériences et les visions d'avenir des transports collectifs, sous toutes ses formes.

Dans le cadre de cet événement, deux modèles de navettes entièrement autonomes, présentées par les grands transporteurs européens Transdev (EasyMile) et Keolis (Navya, voir l'onglet suivant) seront en démonstration pour une première fois au Canada autour de la place Jean-Paul-Riopelle.

Selon M. Flausch, le sommet permettra de faire le point sur le progrès technologique surprenant de l'automatisation des véhicules et de réfléchir sur la façon dont les transports publics pourront tirer profit de cette prochaine révolution du monde automobile dont on ne connaît pas encore tous les contours, mais qui est « déjà là », à nos portes.

Technologie de rupture

En 2015, le Conference Board du Canada estimait déjà que « lorsqu'il est question des véhicules automatisés, il ne faut pas se demander si cette technologie sera adoptée à grande échelle, mais quand ». Dans son rapport, l'organisme s'inquiétait que le « Canada accuse un certain retard dans la reconnaissance et la préparation aux importantes répercussions que cette technologie perturbatrice aura sur notre société ».

La même année, après des consultations pancanadiennes menées en prévision de la refonte de la Loi cadre sur les transports au pays, une commission menée par l'ex-ministre fédéral David Emerson tirait des conclusions similaires.

« Le Canada est mal positionné pour faire face à un avenir caractérisé par des technologies de rupture comme les mégadonnées, l'internet des objets, l'impression 3D, les applications mobiles de covoiturage et les véhicules branchés et autonomes.  Une technologie de rupture, précise le rapport, est une innovation qui remplace une technologie existante et qui secoue l'industrie concernée. Elle est souvent un produit novateur qui crée une industrie entièrement nouvelle », à l'image de l'ordinateur personnel qui a relégué aux oubliettes la machine à écrire.

Pour l'immense majorité des chercheurs en transport et des observateurs de la scène automobile, l'émergence des véhicules autonomes devrait avoir un impact semblable sur le parc automobile d'aujourd'hui. Ces répercussions ne s'arrêteront toutefois pas au genre de voitures que l'on commandera, demain.

Les « prophètes » de cette révolution automobile voient dans les voitures autonomes, sans conducteur, électriques et interconnectées, la fin imminente de la congestion routière, la solution aux émissions de gaz à effet de serre, une diminution spectaculaire des accidents de la route et des changements radicaux dans la manière de planifier l'aménagement des villes.

Pour l'UITP (voir le quatrième onglet), le déploiement de flottes de véhicules autonomes partagés, à la manière des taxis collectifs d'aujourd'hui, pourrait conduire à une réduction de 80 % des véhicules en circulation dans les grandes villes. Il devrait contribuer également à rendre les rues plus sûres, compte tenu qu'entre 80 et 90 % des accidents routiers sont causés par des erreurs humaines que les ordinateurs ne feront pas.

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