Constatant que Donald Trump n'a pas «les mêmes priorités» en matière de droit à l'avortement, le Canada se joint à d'autres pays pour combler le vide financier laissé par la décision du président des États-Unis d'interdire tout financement américain à des organismes associés à l'avortement.

La ministre du Développement international, Marie-Claude Bibeau, a confirmé jeudi que le gouvernement canadien adhérait à l'initiative lancée par son homologue des Pays-Bas quelques heures à peine après la signature du décret présidentiel.

Le Canada s'est engagé à verser jusqu'à 20 millions à cinq organisations non gouvernementales (ONG) soutenant la santé et les droits sexuels et reproductifs, a-t-elle annoncé lors de sa participation à la conférence internationale «She Decides» à Bruxelles, en Belgique.

On doit cette initiative à la ministre néerlandaise du Commerce international et du Développement, Lilianne Ploumen, qui a déclaré en entrevue au New York Times avoir été «très déçue» et «un peu étonnée» du geste posé par Donald Trump le 23 janvier dernier, «parce qu'on est en 2017».

De son côté, la ministre Bibeau s'est montrée plus prudente lorsqu'on lui a demandé, lors d'une conférence téléphonique organisée pour les journalistes, ce que la signature du décret lui avait inspiré comme réaction.

«J'arrive au constat qu'on n'a pas les mêmes priorités», s'est-elle contentée d'offrir en riant.

«Pour nous, c'est clair. Pour le Canada, la question du renforcement socio-économique des femmes et de la santé sexuelle et reproductive, ça va être un élément central de la nouvelle politique», a enchaîné Mme Bibeau depuis la capitale belge.

La ministre compte avoir «des discussions» au sujet des «différentes priorités» canado-américaines en matière de développement avec son homologue à l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), qui n'a pas encore été nommé.

«Il y aura des sujets sur lesquels on va certainement s'entendre et collaborer et d'autres sur lesquels on aura des discussions et on travaillera de façon complémentaire», a-t-elle indiqué à l'autre bout du fil.

200 milions

Au total, nations et philanthropes se sont engagés jeudi à fournir au total près de 200 millions US pour financer la planification familiale.

Une cinquantaine de pays étaient représentés à cette conférence d'un jour, et des donateurs privés comme la Fondation Bill & Melinda Gates ont fourni des dizaines de millions de dollars supplémentaires.

Malgré tout, en retirant ses billes, le gouvernement américain vient en quelque sorte freiner considérablement l'avancement de la cause de la santé sexuelle et reproductive, ont dénoncé jeudi des ONG.

«Bien que ce nouveau financement aide, les conséquences politiques et financières découlant de la réédiction de cette règle du bâillon mondial américain s'aggraveront», a déclaré par voie de communiqué Sandeep Prasad, de l'ONG Action Canada pour la santé et les droits sexuels.

En sabrant ainsi les fonds destinés à la planification familiale, l'administration Trump «met en danger la vie de centaines de milliers de femmes dans le monde», a reproché dans la même déclaration Julie Delahanty, directrice administrative chez Oxfam Canada.

Au téléphone, jeudi, la ministre Bibeau a affirmé d'une part qu'on ne connaissait pas encore «le détail de l'impact de la décision de la nouvelle administration des États-Unis». Elle estime d'autre part que la communauté internationale saura se montrer à la hauteur du défi.

«Nous avons amassé environ 190 millions US avec seulement trois semaines d'avis. Alors je pense que c'est très encourageant», a-t-elle fait valoir, arguant au passage que «peu de gouvernements» peuvent débloquer des fonds dans des délais aussi serrés.

Le succès de la conférence bruxelloise «nous incitera à nous rassembler et à défendre haut et fort les droits des femmes, les droits des enfants», a insisté Mme Bibeau, mentionnant que l'enveloppe canadienne de 20 millions sur un an n'est qu'une «première étape».