Le nombre de conducteurs morts dans un accident de la route qui avaient consommé de la méthamphétamine a connu une hausse de près de 13 % par année en 10 ans. Même chose pour les conducteurs ayant ingéré des antidépresseurs avant de prendre le volant et qui ont perdu la vie derrière celui-ci. Ces résultats ressortent d'une étude menée par l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) sur la présence de psychotropes dans les prélèvements biologiques des conducteurs morts au Québec entre 2002 et 2013.

UNE IMPRESSION CONFIRMÉE

Combien de conducteurs ayant perdu la vie avaient bu de l'alcool ? Ceux qui avaient consommé de la drogue étaient-ils plus jeunes ? Qui sont les plus nombreux à avoir été sous l'effet de médicaments ?

Le coordonnateur de l'étude, Pierre-André Dubé, est pharmacien-toxicologue à l'INSPQ. Il collabore fréquemment avec des coroners pour qui il interprète des analyses toxicologiques. Au fil des ans, certains constats ont piqué sa curiosité.

« Dans les dernières années, on m'apportait des dossiers de coroners et je trouvais qu'il y avait beaucoup de jeunes qui étaient morts dans un accident de la route et dont les analyses démontraient une présence de méthamphétamine. J'avais une impression personnelle, mais ce n'était pas documenté. »

C'est maintenant chose faite grâce à l'étude que son équipe et lui ont faite des données provenant du Bureau du coroner du Québec (BCQ), du Centre de toxicologie du Québec (CTQ) et du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale (LSJML). Tant qu'à avoir le nez dans les chiffres, les auteurs ont analysé tous les psychotropes, d'autant plus que M. Dubé était particulièrement curieux de connaître l'importance de la présence des médicaments qui peuvent aussi altérer la conduite et dont les autorités parlent beaucoup moins en termes de sensibilisation.

FAITS SAILLANTS

L'étude n'établit pas un lien de causalité entre la consommation d'un psychotrope et l'accident, mais pour la première fois, il est possible de dresser un état de la situation.

LE SEXE

Le rapport révèle que les hommes ont été plus nombreux à obtenir un résultat positif aux drogues ou à l'alcool. Les conductrices mortes dans un accident de la route, quant à elles, sont proportionnellement plus nombreuses à obtenir un résultat positif à au moins un médicament.

L'ÂGE

7 sur 10 : Les 25-34 ans sont globalement les plus concernés. Dans cette tranche d'âge, le prélèvement de près de 7 conducteurs sur 10 révélait la présence d'au moins un psychotrope.

Les 16-24 ans sont ceux qui présentent la proportion la plus élevée d'analyses révélant la présence de drogues ; un ratio qui diminue ensuite avec l'âge. Inversement, les conducteurs déclarés positifs à au moins un médicament augmentent avec l'âge.

LA MÉTHAMPHÉTAMINE

Durant les 10 années couvertes par l'étude, le nombre de conducteurs morts qui avaient consommé de la drogue a globalement connu une légère hausse, soit un peu plus de 2 % par année. Le cannabis et la cocaïne sont les drogues les plus fréquentes, mais la méthamphétamine connaît une augmentation marquée.

« Oui, on a découvert la présence de méthamphétamine, mais quel en a été l'impact réel sur l'accident ? On ne le sait pas. C'est pourquoi une étude ultérieure de chacun des dossiers serait intéressante », avance M. Dubé.

LES ANTIDÉPRESSEURS

« Ce qui est ressorti, c'est qu'on semble avoir une baisse pour les benzodiazépines [anxiété], mais une augmentation très importante pour les antidépresseurs, principalement chez les femmes. Ce qui mène à la réflexion : est-ce qu'on en prescrit trop ? », s'interroge le pharmacien-toxicologue.

« Je crois qu'il faut davantage sensibiliser la population, parce que les recommandations [des médecins et des pharmaciens] sont peut-être prises à la légère. Les gens comprennent pour l'alcool, mais les médicaments, c'est parfois mal compris que ça affaiblit aussi les capacités », estime M. Dubé, qui rappelle que les résultats de l'étude démontrent que la présence d'un psychotrope fait partie des circonstances d'un accident sans en être nécessairement la cause.

L'ALCOOL

Le psychotrope le plus fréquemment décelé lors des analyses toxicologiques demeure l'alcool. Plus de 70 % des analyses positives révèlent la présence d'alcool chez la personne ayant perdu la vie, et de ce nombre, 8 conducteurs sur 10 avaient un taux d'alcool supérieur à la limite permise. Par contre, c'est le seul psychotrope parmi les trois groupes où il y a eu une diminution du nombre de personnes déclarées positives au fil des années étudiées.