L'école Polytechnique de Montréal avait choisi de souligner sobrement, mardi, le 27e anniversaire de la tuerie qui avait fait 14 morts - toutes des femmes - le 6 décembre 1989.

Un bouquet de 14 roses blanches a été déposé devant la plaque commémorative en l'honneur des femmes tombées sous les balles de Marc Lépine ce jour-là. Les drapeaux étaient aussi en berne sur le campus, mais aussi sur le toit de certains édifices montréalais mardi.

Peu après midi, le premier ministre Justin Trudeau et 10 de ses ministres - toutes des femmes - ont déposé des roses blanches devant la Flamme du centenaire, à Ottawa, sous le regard de six de leurs collègues masculins. La courte cérémonie s'est déroulée dans le silence, alors que la ministre de la Santé, Jane Philpott, pleurait à chaudes larmes. Sa collègue Mélanie Joly a réussi à refouler les siennes, avec difficulté.

Invitée à dire après la cérémonie ce que son gouvernement pouvait faire pour adoucir le 6 décembre, la ministre Joly a répondu qu'il fallait «le commémorer».

«Et puis, bien entendu, démontrer à quel point il est important de contrer la violence faite aux femmes», a ajouté la ministre du Patrimoine canadien.

En matinée, M. Trudeau, la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, et la ministre de la Condition féminine, Patty Hajdu, ont tous trois publié des communiqués pour souligner le 6 décembre, sans toutefois faire allusion au contrôle des armes à feu.

«Aujourd'hui et chaque jour, nous réaffirmons notre engagement à trouver des solutions qui aideront à prévenir les actes de violence dans l'avenir», peut-on lire dans le communiqué du premier ministre. M. Trudeau insiste sur l'intention de son gouvernement d'augmenter le nombre de refuges et de maisons de transition pour les femmes victimes de violence familiale. «J'encourage tout le monde à réfléchir au fait que leurs propres gestes comptent. Pour commencer, joignez-vous à la conversation en ligne au moyen du mot-clic  GestesComptent», a-t-il également offert.

Inaction des libéraux

«Oui, qualifions ça de drame, oui c'est historique, oui faut s'en souvenir, mais il faut aussi agir», a réclamé le chef par intérim du Bloc québécois, Rhéal Fortin, à sa sortie de la Chambre des communes où on venait d'observer un moment de silence à la mémoire de la tragédie.

Durant la campagne électorale de 2015, les libéraux avaient promis d'abolir certaines mesures adoptées par les conservateurs de Stephen Harper. Ainsi, la loi C-42 a facilité le transport des armes à autorisation restreinte et des armes prohibées. Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, un propriétaire d'arme peut transporter celle-ci n'importe où et non pas seulement de son domicile à son centre de tir. La loi a également retiré l'obligation au vendeur d'armes à feu de vérifier le permis de possession d'armes de l'acheteur avant de conclure la transaction.

Les libéraux n'ont toujours pas déposé de projet de loi pour modifier C-42. La semaine dernière, le groupe Polysesouvient, qui milite pour un meilleur contrôle des armes à feu, a manifesté son impatience. «Face à plus d'un an de tergiversations, nous nous questionnons sur la détermination du gouvernement à tenir tête au lobby des armes afin de prioriser la protection du public contre la violence par armes à feu», écrivait Heidi Rathjen, diplômée de l'école Polytechnique et porte-parole de PolySeSouvient, dans un communiqué publié vendredi.

En sortant de la réunion du cabinet, mardi après-midi, le ministre responsable de ce dossier, Ralph Goodale, a voulu calmer les doutes de Mme Rathjen. «Il y a toute une série d'amendements sur lesquels nous travaillons, a-t-il assuré. Nous présenterons un projet de loi dans les semaines et les mois à venir.»

Le ministre Goodale a ensuite voulu souligner qu'il est à revoir la composition du comité consultatif sur les armes, groupe que les conservateurs de Stephen Harper avaient peuplé de membres du lobby proarmes. Il a promis un comité mieux équilibré «très bientôt». Mais il ne sait pas si cela se fera avant janvier. «Nous travaillons très fort sur tous ces éléments et nous avons l'intention de les présenter aussitôt que nous aurons aligné nos flûtes», a insisté le ministre de la Sécurité publique, mais toujours sans offrir un quelconque échéancier.

«C'était des choses assez faciles à faire. Ils ne les ont toujours pas faites», a critiqué le chef néo-démocrate Thomas Mulcair.

Québec et Montréal

À Québec, une motion saluant la mémoire des victimes devait être présentée par le premier ministre Philippe Couillard à l'Assemblée nationale, et le drapeau du Québec a été mis en berne. M. Couillard a estimé qu'en mémoire des 14 victimes de Polytechnique, «nous avons toutes et tous l'obligation morale de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que la solidarité triomphe de la haine et que de telles atrocités ne se reproduisent jamais».

La ministre responsable de la Condition féminine, Lise Thériault, a indiqué que «la violence inouïe de l'attaque perpétrée ce jour-là contre les femmes et contre nos valeurs d'égalité, de justice et de liberté nous rappelle que nous ne sommes pas à l'abri du pire».

La présidente du Conseil du statut de la femme du Québec, Eva Ottawa, a eu quant à elle «une pensée particulière pour les femmes autochtones, trop nombreuses parmi les victimes de meurtres et de violence conjugale et sexuelle».

Par ailleurs, les organisatrices de la Campagne contre les violences faites aux femmes dans le logement ont déposé à l'Assemblée nationale une pétition de plus de 5000 signatures et une déclaration de plus de 200 organisations en appui à leurs revendications.

La Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes marque au Québec la fin des «12 Journées d'action contre la violence faite aux femmes», qui se déroulent chaque année du 25 novembre au 6 décembre.

À Montréal, mardi, le Comité des 12 jours d'action s'est réuni devant une maison du Réseau Habitation Femmes, au 2960 rue Ontario Est, pour dévoiler une murale contre les violences envers les femmes, conçue par Iris Boudreau.

À compter de 17 h, mardi après-midi, 14 faisceaux lumineux devaient être projetés du mont Royal vers le ciel, pendant toute la soirée. L'école Polytechnique est située «sur la montagne», au coeur de la métropole.

Photo Ryan Remiorz, La Presse canadienne

Une femme place l'une des 14 roses en l'honneur des 13 étudiantes tuées et un membre du personnel par Marc Lépine le 6 décembre 1989.

Photo Jacques Boissinot, La Presse canadienne

Philippe Couillard a rendu hommage aux victimes de la tuerie à l'Assemblée nationale.