«Manque de rigueur», «retards», la gestion du programme de réinsertion sociale des détenus a été sévèrement critiquée par la vérificatrice générale Guylaine Leclerc, dans un rapport déposé mercredi.

Les vérifications menées par Mme Leclerc et son équipe ont révélé une série de «lacunes» dans le programme, au point où il est impossible de mesurer son efficacité.

«Je ne peux pas vous dire quels sont les plus grands impacts, a reconnu Mme Leclerc. Mais une des choses les plus importantes, c'est qu'on ne sait pas si ça fonctionne.»

Le ministère de la Sécurité publique doit mener des évaluations sur les contrevenants pour évaluer leur risque de récidive et leur potentiel de réinsertion sociale. Or, révèle l'audit, ces évaluations sont produites en retard, voire carrément absentes des dossiers.

Parmi les évaluations qui étaient disponibles, Mme Leclerc et son équipe ont observé que le quart étaient «non rigoureuses».

Les dossiers des contrevenants qui font l'objet d'un suivi contiennent peu ou pas de notes. Cette situation empêche Québec d'évaluer leur cheminement et d'y apporter des correctifs au besoin.

Par ailleurs, le rapport révèle que le ministère de la Sécurité publique ne s'est toujours pas doté d'un système informatique pour gérer les dossiers des contrevenants. Cette mesure était pourtant une recommandation-clé du rapport Corbo publié il y a 15 ans.

Combinée aux «déficiences» dans la documentation des dossiers, cette situation fait en sorte que le gouvernement ne détient pas suffisamment d'information sur les candidats à la réinsertion sociale qu'il prend en charge.

Est-ce que ces lacunes mettent la sécurité du public en péril? Mme Leclerc rétorque qu'elle veut éviter de verser dans l'alarmisme.

«Je ne suis pas en mesure de vous dire que ça augmente la menace, a-t-elle dit. Ce que je vous dis, c'est que le ministère n'effectue pas tout le suivi qu'il s'était engagé à faire.»

Elle souligne que son équipe n'a identifié aucun cas les failles dans le programme ont entraîné la libération accidentelle d'un contrevenant.

«Ce qu'on a identifié, ce sont des gens qui auraient peut-être dû être moins encadrées qui l'ont été plus, a souligné la vérificatrice. Alors c'est plutôt la situation inverse qu'on a identifiée.»

À l'Assemblée nationale, le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a pris acte des constats de la vérificatrice générale.

«Il y a eu des améliorations, mais il doit y avoir encore des améliorations, a-t-il affirmé dans un échange avec le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée. Les chiffres qui sont présentés là ne sont pas les chiffres auxquels on aspire, et donc on va travailler pour améliorer la situation.»

Cégeps

Le rapport de Mme Leclerc a également révélé une série de dépassements de coûts et d'irrégularités comptables dans les cégeps.

Mme Leclerc a analysé un échantillon de contrats d'approvisionnement de cinq établissements. Elle a constaté 22% de ces contrats ont fait l'objet d'un dépassement de coûts.

Elle s'est également penché sur les réclamations de déplacement, de représentation et de réception faites par les administrateurs des cégeps. Résultat: les deux tiers de ces comptes - 65% - ont été remboursés sans que les gestionnaires présentent de pièces justificatives.

«Étant donné que nos observations ne portent que sur 7% des comptes de dépenses des cégeps audités, la sommes totale en cause pourrait être significative pour l'ensemble du réseau collégial», peut-on lire dans le rapport de Mme Leclerc.

La ministre responsable de l'Enseignement supérieur, Hélène David, a jugé ce dernier constat «un peu ordinaire». Elle compte se pencher rapidement sur les lacunes observées par la vérificatrice, non seulement dans les cinq établissements passés au crible, mais dans l'ensemble des 48 cégeps.

«Il faut avoir cette culture de gouvernance, de reddition de comptes, a dit Mme David. Comptez sur moi, je vais vraiment, vraiment regarder ça de très près.»