Les services de renseignement et la police fédérale canadienne ont dirigé les interrogatoires sous la torture de trois Canadiens en Syrie après les attentats du 11-Septembre, a indiqué lundi la chaîne CBC dans une enquête basée sur des documents confidentiels.

Jusqu'ici, une commission d'enquête avait statué en 2008 que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) avait eu une responsabilité «indirecte».

Abdullah Almalki, Ahmad El Maati et Muayyed Nureddin, ressortissants canadiens soupçonnés de liens avec Al-Qaïda, avaient été arrêtés par le renseignement militaire syrien et détenus jusqu'en 2004.

Libérés en 2004 sans qu'aucune charge ne soit retenue contre eux, les trois hommes avaient dénoncé la torture dont ils avaient été victimes à partir des informations fournies par le SCRS.

Selon la télévision publique, le SCRS, mais aussi la Gendarmerie royale du Canada (GRC), «ont coopéré avec les responsables syriens» pour les interrogatoires.

C'est l'ambassadeur canadien en Syrie à l'époque, Franco Pillarella, qui a transmis aux autorités syriennes les questions formulées par le SCRS et la GRC, selon les documents obtenus par la chaîne CBC.

Les avocats des trois Canadiens ont eu accès à des notes des renseignements, des mémos internes ou des courriels. Au total, quelque 18 000 pages de documents vont être produites au tribunal l'an prochain, quand les trois Canadiens vont demander des dommages au civil.

Principal suspect à l'époque, Abdullah Almalki, un ingénieur en électricité, avait été ciblé en raison de ses séjours en Afghanistan et était en lien avec Ahmed Said Khadr, un proche collaborateur du chef d'Al-Qaïda Oussama ben Laden. M. Almalki a assuré à CBC avoir avoué, sous la torture, faire partie du réseau de ben Laden.

Un ancien membre du SCRS et maintenant commissaire adjoint de la GRC, est cité dans un mémo décrivant M. Almalki comme «un agent de renseignement de ben Laden et d'Al-Qaïda», quand un de ses collègues pensait nécessaire, même sans aucune preuve ou suspicion, de l'interroger.

Interrogé, le cabinet du ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale n'a pas souhaité commenter les révélations de la CBC en raison de la procédure en cours devant les tribunaux.

Il y a quelques jours, le ministre Goodale avait réaffirmé que le SCRS ne devait pas «utiliser sciemment des informations obtenues à partir de la torture». Cependant, en cas de «circonstances exceptionnelles» et en raison d'«une menace imminente à la sécurité du Canada», des éléments de preuve transmis au SCRS par des services de renseignements étrangers pouvaient être utilisés, même si il était avéré qu'ils avaient été obtenus sous la torture.