Un mois après avoir clamé une victoire « historique », les Atikamekw d'Opitciwan déchantent : le gouvernement fédéral demande la révision de trois des quatre décisions rendues en leur faveur pour des dommages subis dans le cadre de la création de leur réserve, aux abords du réservoir Gouin, en Haute-Mauricie.

« La relation de confiance avec le gouvernement du Canada vient de changer, a dit le chef Christian Awashish en entrevue téléphonique. Nous étions très optimistes depuis l'élection du gouvernement libéral, mais il y a un manque de cohérence entre le discours et les gestes. »

Le 20 mai, le Tribunal des revendications particulières - une instance créée en 2007 et chargée de statuer sur les allégations de manquements du fédéral envers les Premières Nations - a donné gain de cause aux Atikamekw dans quatre dossiers, ouvrant la porte au versement de compensations financières.

La juge Johanne Mainville a donné raison sur toute la ligne aux Atikamekw d'Opitciwan, statuant que le gouvernement fédéral avait failli à son obligation de fiduciaire envers la communauté, qui compte aujourd'hui un peu plus de 2000 personnes.

Le fédéral n'a pas contesté la décision relative aux dommages et inconvénients causés par l'inondation des terres en 1918, pour laquelle la juge Mainville note toutefois que le Québec, qui a mené les travaux de création du réservoir, est aussi en partie responsable. L'évaluation des dommages et du partage de responsabilité sera faite dans le second volet du litige, à une date ultérieure, ou encore par voie de négociations.

CONTRÔLE JUDICIAIRE

Le Procureur général du Canada a toutefois déposé lundi en Cour d'appel fédérale une demande de contrôle judiciaire pour les trois autres décisions. Ottawa argue essentiellement qu'il ne peut exister d'obligation de fiduciaire, car la Couronne fédérale était tributaire des agissements du Québec et que le processus de création des réserves fait partie de discussions fédérales-provinciales de nature politique dans lesquelles les tribunaux ne peuvent s'ingérer.

« J'ai l'impression que le gouvernement fédéral veut se protéger des conséquences dans d'autres dossiers », dit le chef Awashish. Au total de 346  revendications particulières sont présentement à l'étude ou en cours de négociations au Canada, selon le ministère des Affaires autochtones, et 140 autres sont en litige ou ont fait l'objet d'un recours au Tribunal.

M. Awashish avait appuyé publiquement le Parti libéral lors des dernières élections fédérales et sa communauté a voté à 75 % en faveur du PLC. « Je suis déçu, a-t-il dit. J'ai vu en Justin Trudeau un homme de valeur et de principes, avec le profil adéquat pour rapprocher les communautés autochtones du gouvernement du Canada. Le discours est plein de bonnes intentions, mais ils vont quand même en appel pour ne pas reconnaître les erreurs du passé. »

Les revendications des Atikamekw portaient...

• Sur l'inondation des terres du village d'Opitciwan lors de la mise en eau du réservoir Gouin en 1918 ;

• Sur la longueur exagérée du processus de création de la réserve, qui a abouti en 1944, plus de 35 ans après avoir commencé ;

• Sur la superficie insuffisante de la réserve, qui aurait dû faire 3000 acres au lieu de 2290 ;

• Et sur l'inondation d'une partie de la réserve lors de travaux de relèvement de la crête du barrage Gouin en 1942 et en 1955-1956, qui a causé des problèmes de santé aux résidants.