Les nouveaux fonds fédéraux destinés à la lutte contre l'itinérance seront disponibles à l'automne, mais les organismes communautaires oeuvrant dans le domaine espèrent les recevoir assez tôt pour se préparer pour l'hiver.

Ottawa a annoncé ce printemps un ajout de 17 millions sur deux ans à la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance (SPLI) pour le Québec, une enveloppe qui peut être distribuée selon les besoins exprimés par le milieu. Cette annonce a grandement réjoui les intervenants dans le domaine de l'itinérance.

La ministre déléguée à la Santé publique, Lucie Charlebois, dit être en attente des plans communautaires des différentes régions avant de pouvoir distribuer l'argent fédéral et promet de le faire le plus rapidement possible lorsque ces plans auront été déposés, analysés et approuvés par les gouvernements fédéral et provincial.

«Mon but, c'est que ça aille le plus rapidement possible sur le terrain, mais il faut tenir compte des plans communautaires», a indiqué la ministre en entrevue avec La Presse Canadienne, ajoutant qu'elle avait toutefois dû ralentir le rythme à la demande du milieu.

«On nous a même demandé de ralentir pour que les gens puissent se réunir et revoir leurs plans communautaires. On répond à leur demande», a-t-elle affirmé.

Le processus s'en trouve d'autant retardé que les démarches surviennent alors que s'amorce la période des vacances tant dans la fonction publique que dans les organismes eux-mêmes.

«La ministre dit - et elle a raison - que l'été ce n'est pas évident», confirme le coordonnateur du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), Pierre Gaudreau.

«Mais on va tout faire pour contribuer et on sait que d'autres régions sont mobilisées aussi pour que l'argent sorte rapidement parce que les besoins sont énormes partout», ajoute-t-il.

Selon Mme Charlebois, les fonds pourraient être disponibles dès le mois de septembre, si tout va bien, mais pourraient être retardés, au pire jusqu'en novembre, une hypothèse que n'ose envisager Pierre Gaudreau.

«Novembre c'est trop tard, mais on peut comprendre que dans différentes régions ça va être très difficile», reconnaît-il.

La semaine dernière, le porte-parole péquiste en matière de services sociaux, Jean-François Lisée, avait dénoncé la lenteur du gouvernement à débloquer les fonds, un reproche que la ministre balaie du revers de la main.

«Il faut se rappeler pour qui on travaille. Moi, je ne travaille pas pour M. Lisée: je travaille pour les personnes qui sont dans une situation d'itinérance», dit-elle, insistant sur le fait qu'elle n'ira pas de l'avant tant et aussi longtemps que le milieu n'aura pas clairement identifié les projets qu'il estime essentiels.

Pierre Gaudreau note à cet effet qu'il faut revoir le financement de plusieurs projets et organismes qui avaient subi des compressions ou été carrément abandonnés en raison des orientations du gouvernement fédéral précédent.

Les conservateurs de Stephen Harper avaient en effet exigé que 65 pour cent des fonds de la SPLI soient consacrés à des initiatives de «logement d'abord», une politique visant à fournir des logements privés aux itinérants, au détriment d'autres initiatives pourtant déjà bien établies.

«Il y a eu énormément de coupures dans des projets, que ce soit en réduction de l'itinérance, en prévention de l'itinérance», dit M. Gaudreau.

«On ne pourra pas effacer l'ardoise, mais dans plusieurs cas, oui, on va pouvoir réinvestir dans des actions essentielles et apporter aussi un certain appui à des projets d'immobilisations, tant les installations des organismes que contribuer au développement de logements sociaux, et ça, c'est une très bonne nouvelle pour Montréal», ajoute-t-il.

Les cas de Montréal et Québec

Pierre Gaudreau souligne toutefois que l'annonce d'Ottawa comportait une mauvaise surprise pour Montréal et Québec: le ministre fédéral du Développement social, Jean-Yves Duclos, avait promis une augmentation de 50 pour cent des budgets de la SPLI, mais ce sont les villes de taille moyenne qui ont eu une augmentation de cette ampleur, alors que Québec et Montréal, où l'itinérance est la plus importante, n'ont obtenu que 25 pour cent d'augmentation.

«À Montréal, autant le milieu communautaire que la Ville de Montréal et le maire Coderre ont été très déçus de cet écart», déplore-t-il.

M. Gaudreau fait valoir que l'itinérance est en hausse à Montréal, où il a fallu offrir plus de 80 000 nuitées en hébergement d'urgence l'hiver dernier, soit une augmentation de 10 % chez les hommes et de 7 % chez les femmes.

Cependant, il souligne que le manque à gagner pour atteindre une augmentation de 50 % est de 2 millions et que cet argent est à portée de main.

«Il y a une solution: le gouvernement du Québec s'est gardé une réserve de près de 2 millions qui ne sont pas affectés et on demande que cet argent soit investi pour lutter contre l'itinérance à Montréal», dit-il.

Malgré tout, Pierre Gaudreau ne cache pas sa satisfaction de voir surgir des sommes additionnelles dont l'utilisation est laissée au choix des intervenants de terrain.

Il note qu'il sera ainsi possible de reprendre des projets de création de logements sociaux, d'intervention en prévention et en travail social, en soutien alimentaire et plusieurs autres initiatives du genre qui avaient dû être négligées ou même abandonnées en raison du peu de flexibilité des conservateurs de Stephen Harper.