La Direction de santé publique (DSP) de l'Abitibi-Témiscamingue a jugé irrecevable l'étude d'impact environnemental produite par Canadian Malartic au soutien du projet d'expansion de sa mine d'or à ciel ouvert, qui fera l'objet à compter de mardi d'audiences du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE).

Le ministère de l'Environnement a donné le feu vert à la publication de l'étude d'impact, ce printemps, bien que de nombreux questionnements soulevés par la DSP demeurent toujours en suspens, en ce qui a trait notamment aux impacts psychologiques et sociaux du projet, aux mesures d'atténuation proposées et aux impacts sur le niveau sonore dans les quartiers habités aux abords de la mine.

Canadian Malartic souhaite agrandir la mine auparavant sous la responsabilité d'Osisko. L'expansion de la fosse nécessiterait entre autres le prolongement d'une butte qui sert d'écran visuel et de barrière pour le bruit et la poussière entre la ville et la fosse. Elle entraînerait aussi l'aménagement d'une déviation de 4 kilomètres de la route 117 à l'entrée est de Malartic. Ces travaux de 50 millions permettraient de prolonger l'exploitation de la mine jusqu'en 2028 et de maintenir 670 emplois, fait valoir la société minière.

Mais les résidants de la zone sud de Malartic, dont les maisons sont situées juste à côté de l'immense fosse d'où le minerai est extrait, se plaignent depuis plusieurs années des inconvénients qu'ils doivent subir en raison de la mine, dont l'exploitation a commencé en 2011.

DES IMPACTS PSYCHOLOGIQUES IMPORTANTS

En avril 2015, un rapport de l'Institut national de santé publique du Québec révélait que le projet minier avait entraîné des impacts psychologiques importants dans la population malarticoise : désarroi, colère, démobilisation, perte de confiance envers les autorités et résignation.

Le rapport soulignait également que l'arrivée de la mine à ciel ouvert, la première en milieu habité au Québec, avait accru les conflits au sein de la communauté, en plus de susciter des inquiétudes pour la santé en raison des dynamitages, de l'accroissement de la poussière, de la circulation et du bruit.

En septembre 2015, la DSP de l'Abitibi-Témiscamingue concluait à son tour, sur la foi d'un sondage mené auprès de la population de Malartic, que la situation actuelle « nuit à la qualité de vie et, par le fait même, à la santé des citoyens et citoyennes concernés ». Elle constatait qu'une « proportion élevée » de la population était « très inquiète par rapport aux poussières, aux vibrations dues aux sautages et, dans une moindre mesure, au bruit ».

Dans le cadre du processus d'évaluation des impacts sur l'environnement du projet d'agrandissement, le ministère de l'Environnement a sollicité les commentaires des autres ministères concernés. La DSP, au nom du ministère de la Santé, a soumis de nombreuses questions à Canadian Malartic, sans obtenir toutes les réponses souhaitées. Dans une lettre du 5 février 2016, un spécialiste en santé environnementale qualifie d'« évasive(s) et incomplète(s) » les réponses de l'entreprise.

« Nous avons pu constater que dans le cadre du projet d'extension [de la mine], les impacts à la santé sociale et psychologique n'ont pas été sérieusement pris en compte pour qualifier les impacts », écrit le spécialiste Frédéric Bilodeau.

« À titre d'exemple, l'impact des poussières est qualifié d'importance faible durant la phase de construction et moyenne durant l'exploitation, alors qu'en réalité les poussières sont une source de nuisance majeure qui dérange très fortement une proportion importante de la population de Malartic. »

- Frédéric Bilodeau

En ce qui concerne les sautages, la DSP juge « surprenant » que la société minière ne tienne pas compte dans son évaluation de leur impact du fait qu'ils dérangent fortement « une proportion non négligeable de citoyens ». D'autant plus surprenant, ajoute-t-elle, « que de nombreuses plaintes sont toujours adressées à la minière, au MDDELCC (ministère de l'Environnement), à la Direction de santé publique et au Comité de suivi Canadian Malartic en lien avec les nuisances causées par les activités de la mine ».

La DSP se dit convaincue que l'acceptation sociale du projet d'extension de la mine passe par l'adoption d'un protocole prévoyant des règles pour le rachat des maisons ou la compensation des résidants du secteur de Malartic le plus affecté par la mine, un territoire où l'on compte environ 700 adresses. Sans un tel protocole, la DSP dit peiner à concevoir, d'un point de vue de santé publique, « que l'étude d'impact environnemental puisse être considérée comme recevable ».

Les citoyens ont toutefois rejeté le document qui prévoyait des compensations de 40 millions et 10 millions pour des rachats de maisons, les sommes étant jugées nettement insuffisantes. « Une insulte aux citoyens », estime le porte-parole du Comité des citoyens de la zone sud de Malartic, Louis Trottier. « Ça permettait de relocaliser seulement 10 % des gens de la zone la plus rapprochée, alors que près de 57 % de la population souhaite l'être », ajoute le co-porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine, Ugo Lapointe. Une deuxième version est attendue cet été. Canadian Malartic affirme néanmoins que son guide de cohabitation « s'arrime » aux recommandations formulées par la DSP dans son rapport de 2015.

Pour M. Lapointe, il est « plutôt rare » d'avoir un avis dissident comme celui de la DSP à l'étape de l'évaluation de la recevabilité de l'étude d'impact, préalable obligé aux audiences publiques. « J'ai participé à cinq BAPE de projets miniers, incluant celui-ci, et je n'ai jamais vu cela », dit-il.

La DSP, qui participera aux audiences du BAPE, n'a pas souhaité commenter la situation.

DE LA POUSSIÈRE SANS DANGER ?

Canadian Malartic a publié au début de la semaine une étude de la firme Sanexen qui affirme que « les données de suivi de la qualité de l'air obtenues de 2012 à 2015 dans le secteur le plus près de la mine ont permis de constater que les émissions de la mine n'avaient posé aucun risque significatif pour la santé des résidants ». Les concentrations mesurées de gaz et de poussière seraient inférieures à ce qui avait été prévu avant l'entrée en exploitation de la mine.

Les citoyens de la zone sud de Malartic jugent toutefois que l'étude est « incomplète » (elle ne mesure entre autres pas les poussières fines PM10) et déplorent qu'elle ne tienne pas compte des impacts observés sur la santé, ni des conséquences sur la santé mentale, le bien-être et la qualité de vie causés par la présence quotidienne de poussière. « Ce n'est peut-être pas cancérogène, mais ça l'est sur le plan psychosocial », dit Nicole Kirouac, du Comité de vigilance de Malartic.