Le chef de l'Assemblée des Premières Nations prévient les policiers canadiens qu'ils risquent bien d'être écorchés lors des travaux de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Invité à prendre la parole, mercredi, lors d'une conférence de l'Association canadienne des chefs de police, à Winnipeg, Perry Bellegarde a prévenu les directeurs de police qu'on infligerait des blâmes sévères lors de ces audiences. Et bien des gens, a-t-il dit, critiqueront alors le travail des policiers dans les cas de disparitions de femmes et de filles autochtones au pays.

«Vous n'avez pas bien fait votre travail, a lancé sans détour M. Bellegarde. Vous n'avez pas déployé suffisamment de ressources humaines et financières dans la recherche et les enquêtes concernant tous ces dossiers impliquant des femmes des Premières Nations. C'est ce que (vous allez entendre à l'Enquête nationale). Vous le savez. Je le sais. Alors, que répondrez-vous?»

Le chef de l'APN propose aux policiers de commencer à compiler des statistiques, mais aussi à examiner leurs pratiques, afin de montrer ce qui fonctionne bien, mais aussi de déterminer ce qui pourrait être amélioré.

Les Autochtones sont souvent victimes de stéréotypes qui les réduisent à des gens «stupides, paresseux, alcooliques et sur l'aide sociale», a-t-il déploré. «Soyez assez matures pour montrer qu'il faudra travailler davantage afin d'améliorer le système.»

Bien que les femmes autochtones forment quatre pour cent de la population féminine canadienne, elles représentent 16 % des femmes assassinées au Canada entre 1980 et 2012, indique le gouvernement fédéral. Dans un rapport publié en 2014, la Gendarmerie royale du Canada recensait 1181 cas de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées depuis 30 ans.

En décembre dernier, le premier ministre Justin Trudeau annonçait la tenue d'une commission d'enquête nationale, comme il l'avait promis en campagne électorale et comme le précédent gouvernement conservateur se refusait d'accorder. Le gouvernement fédéral vient de clore l'étape du processus de consultations visant à définir les paramètres de cette enquête, qui devraient être annoncés cet été.

Dans le sommaire des rencontres tenues depuis décembre, Ottawa précise déjà que l'Enquête nationale devrait «aborder les délais de réponse concernant les rapports de disparition de femmes ou de filles autochtones», «se pencher sur le racisme institutionnel existant dans les organismes d'application de la loi» et «aborder le comportement des policiers à l'égard des femmes et des filles autochtones et de leur famille».

Le président de l'Association canadienne des chefs de police, Clive Weighill, a admis que certaines critiques entendues à l'Enquête nationale seront parfaitement justifiées. Ce chef de la police de Saskatoon a cependant précisé que les policiers avaient modifié leur approche depuis une dizaine d'années dans les cas de disparitions de femmes autochtones.