Alors que les changements climatiques amèneront inévitablement encore plus de phénomènes météorologiques violents au pays, le gouvernement fédéral en fait bien trop peu pour atténuer les effets de ces catastrophes.

La commissaire à l'environnement et au développement durable, Julie Gelfand, n'aurait pu choisir un meilleur moment pour déposer son rapport sur le temps violent, alors que les incendies de forêt qui font rage en Alberta sont un rappel constant de l'ampleur que peuvent prendre les désastres naturels.

Mme Gelfand en est bien consciente et le signale à grands traits dans son rapport déposé mardi aux Communes. Inondations, sécheresses et incendies de forêt «mettront à l'épreuve des structures vieillissantes et fragilisées», écrit-elle, d'où l'importance d'agir au plus vite dans le dossier.

Elle signale qu'Ottawa a en réalité transféré très peu d'argent aux provinces pour atténuer les effets négatifs du temps violent. À l'inverse, son aide financière lors des catastrophes a explosé, le gouvernement ayant versé au cours des six dernières années autant que ce qu'il avait dépensé au cours des 39 précédentes.

Or, chaque dollar dépensé en mesure d'atténuation permet d'économiser entre 3 $ et 5 $ en rétablissement, selon Sécurité publique Canada.

«Les mesures d'atténuation des catastrophes peuvent être très rentables pour le gouvernement et la société», insiste Mme Gelfand. Elle cite en exemple 63 millions $ versés en 1960 pour faire dériver la rivière Rouge au Manitoba, qui ont permis d'économiser 8 milliards $ près de 50 ans plus tard.

À l'heure où le gouvernement de Justin Trudeau veut investir massivement dans les infrastructures, il faut saisir l'occasion pour bâtir «en accroissant (leur) résilience», plaide la commissaire.

Concrètement, le gouvernement a traîné les pieds dans quelques domaines qui font une différence. Par exemple, les cartes des plaines inondables n'ont pas été mises à jour depuis 20 ans et sont désormais désuètes. Les courbes servant à prévoir la probabilité des pluies extrêmes ont également été négligées.

Par ailleurs, le Code du bâtiment, revampé en 2015, ne prend compte que des données historiques et pas le fait que les catastrophes sont appelées à se multiplier. «Les maisons et autres immeubles construits pour résister aux effets de notre climat actuel pourraient ne pas être assez solides pour résister aux conditions climatiques qui pourraient survenir au cours des prochaines décennies», note Mme Gelfand.

Ottawa doit par ailleurs mieux communiquer avec les autres ordres de gouvernement pour comprendre leurs besoins à long terme. Fait étonnant, les provinces et territoires ne se sont pas prévalus de l'argent qu'Ottawa a mis à leur disposition pour financer des projets d'infrastructures mieux adaptés.

«Il y avait 253 millions $ disponibles, et on a vu que presque la moitié est restée sur la table», a expliqué la commissaire en point de presse. Elle enjoint au fédéral d'investiguer afin de trouver pourquoi les provinces n'ont pas touché à cet argent.

En bref, Ottawa doit passer à la vitesse supérieure dans ce dossier. «Les coûts financiers assumés récemment par le gouvernement fédéral démontrent l'importance d'atténuer les effets du temps violent afin de sauver des vies, de réduire le fardeau économique et d'inspirer confiance en temps de crise», illustre la commissaire.

Dans un autre chapitre de son rapport printanier, Mme Gelfand conclut qu'Infrastructure Canada ne gère pas correctement le Fonds de la taxe sur l'essence pour s'assurer d'atteindre ses objectifs environnementaux. L'affaire n'est pas anodine, puisque le Fonds représente 13 milliards $ depuis 2005.

La ministre de l'Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, a accepté les recommandations et a admis que des améliorations étaient à apporter. «C'est certain qu'on a beaucoup plus à faire pour s'assurer qu'on combat les effets des changements climatiques qui vont (causer) de plus en plus de problèmes. Alors, on regarde comment on peut faire ça ensemble», a-t-elle noté.

Sûreté des cosmétiques

La commissaire s'est également penchée sur les substances chimiques dans les produits cosmétiques et de consommation. Elle signale que les Canadiens ne disposent pas de toute l'information sur ces produits pour faire un choix éclairé pour protéger leur santé.

Santé Canada ne teste pas régulièrement les cosmétiques pour contrôler la teneur en substances interdites, contaminants microbiens et métaux lourds - une information qui devrait être soulignée aux consommateurs.

Tout un pan de la composition des cosmétiques passe par ailleurs sous le radar en se cachant sous les dénominations «parfum», «arôme», «fragrance» et «saveur», alors qu'ils pourraient comprendre des composés chimiques inquiétants.

Selon la commissaire, Santé Canada prend par ailleurs trop de temps pour agir lors de déclarations de cosmétiques qui indiquent la présence de substances interdites dans les produits, ce qui pourrait «exposer les consommateurs à des produits dangereux pendant des périodes prolongées».

Elle invite par ailleurs Ottawa à se pencher sur le commerce de cosmétiques en ligne, très peu surveillé, ainsi que sur les produits contrefaits.

En point de presse, la commissaire a cependant voulu rassurer la population, en affirmant qu'elle-même n'a pas peur de se promener dans l'allée des cosmétiques ou d'utiliser des produits de beauté.

N'empêche, pour le député néo-démocrate Nathan Cullen, il ne faut pas prendre les choses à la légère. «Il y a des (produits) chimiques qui peuvent causer le cancer, des allergies. C'est quelque chose de sérieux pour moi», a-t-il signalé.

La ministre de la Santé, Jane Philpott, a assuré qu'elle avait le problème à l'oeil.

«Il y a des milliers de nouveaux produits cosmétiques qui entrent sur le marché canadien chaque année. Ils appartiennent généralement à une catégorie à risque très faible, mais ce que le rapport nous apprend, c'est qu'il y a encore du travail à faire. Les Canadiens doivent être mieux informés», a-t-elle indiqué.