Valérie Laprise est encore sous le choc. « Le matin, le ciel était bleu - presque pas de fumée - et en fin d'après-midi, c'était l'apocalypse. »

Les nombreux Québécois de Fort McMurray s'étaient transformés en véritables réfugiés, hier, alors que la capitale canadienne des sables bitumineux était toujours sous le coup d'une évacuation complète. Un champ de bataille entre pompiers et brasier.

À l'aéroport d'Edmonton, de nombreux travailleurs s'étaient rassemblés dans un local installé pour les accueillir : café, pizzas et bouteilles d'eau au menu. Le Madelinot Stéphane Painchaud et le Longueuillois Janic Allard comparaient leurs photos de la catastrophe. Des flammes, de la fumée noire, des scènes de fuite.

PHOTO NINON PEDNAULT, LA PRESSE

À l’aéroport d’Edmonton, le Madelinot Stéphane Painchaud et le Longueuillois Janic Allard comparaient hier leurs photos de la catastrophe.

« C'est comme si tu nous avais mis sur le bord d'un foyer avec la trappe fermée », a ajouté M. Allard, qui décrit, les yeux ronds, une véritable pluie de cendre au centre-ville. Les deux hommes travaillent dans des installations pétrolières différentes.

En ville, l'alerte générale a été donnée mardi soir, après que des feux de forêt dans la région se furent brusquement dirigés vers la ville à grande vitesse. Au moins un quartier a complètement brûlé, ont confirmé les autorités, qui ne déplorent toutefois aucun blessé.

« C'était l'enfer », a raconté Marie Hélène Bou Nader, qui travaille dans une école de la ville. « On voulait tous sortir en même temps. Ça m'a pris trois heures pour faire ce qui me prend habituellement 15 minutes. [...] En seulement deux heures, le feu a complètement éclaté. »

« Ç'a été vraiment stressant. On a finalement trouvé une place pour stationner et dormir vers 1 h du matin », a expliqué Camille Bégin, de Sherbrooke. Son copain, un pompier, est resté derrière pour combattre les flammes. Selon ses textos, « aujourd'hui [hier], c'était la pire journée ».

Louise Saucier a été évacuée vers le nord d'Edmonton, mardi soir, avant de recevoir l'ordre de plutôt se rendre vers le sud, vers Edmonton. La fonctionnaire du gouvernement albertain est secouée. « On ne le réalise pas encore. On commence à peine à comprendre ce qui s'est passé », a-t-elle confié, en racontant sa fuite non loin des flammes.

AU MOINS 500 TRAVAILLEURS DU QUÉBEC COINCÉS

Ils n'étaient pas les seuls Québécois à avoir vu la catastrophe de trop près.

À elle seule, l'entreprise spécialisée en construction industrielle Groupe DCM emploie quelque 500 travailleurs du Québec dans les sables bitumineux des environs de Fort McMurray.

« La situation n'est pas claire sur les autoroutes et à l'aéroport », mais « tous nos employés sont en sécurité », a indiqué Laurent Nadeau, responsable des communications de l'entreprise, en milieu de journée hier. « On a annulé tous les vols de nos employés », a-t-il ajouté.

Les employés du Groupe DCM sont essentiellement hébergés dans les camps bâtis tout près des lieux d'exploitation pétrolière.

C'est aussi le cas de Ricardo Perez, un travailleur montréalais. « On évacue notre camp pour laisser la place aux réfugiés de la ville qui vont avoir besoin d'espace. C'était ça, le mot d'ordre », a-t-il indiqué à La Presse en milieu de journée.

« On est sur l'autoroute 63 en ce moment, disait-il pendant l'entrevue téléphonique. On est dans la fumée totale, dans la boucane ben raide. [...] C'est dur pour les poumons. À droite, ça a tout brûlé jusqu'à terre. »

Joint dans le camp de Surmont Project, son employeur, Alexandre Gaudreault, ne connaissait toujours pas le sort que les flammes ont réservé à la maison qu'il partage avec son conjoint en périphérie de Fort McMurray.

« Ç'a déboulé vraiment, vraiment rapidement », a-t-il affirmé. « Je ne sais pas si je vais avoir une maison à mon retour [...]. C'est le chaos total. On dirait une vision de fin du monde. »

Certains s'y résignaient presque. « Je vis dans le dernier quartier à être évacué et je suis réaliste », a expliqué Renée Plante dans un courriel envoyé au cours de la nuit de mardi à mercredi.

D'autres voulaient y croire. Catherine Gagnon s'est réfugiée dans une réserve autochtone au nord de Fort McMurray. « Nous vivons dans le quartier Abasand et, apparemment, la moitié des maisons ont brûlé. Nous gardons espoir que la nôtre n'en fasse pas partie. »

Au camp de Surmont, la déprime économique dans laquelle se trouve toute l'industrie des sables bitumineux facilitait les choses. « On peut accueillir jusqu'à 9000 personnes ici, mais comme le pétrole est en baisse - beaucoup de gens ont perdu leur emploi -, on est juste 500, a dit Alexandre Gaudreault. On a accueilli 150 réfugiés et peut-être qu'on va en accueillir plus. »

- Avec Le Nouvelliste