Le gouvernement Trudeau a annoncé jeudi qu'il rétablit le formulaire long obligatoire du recensement dès 2016. Il s'agit de la première mesure officielle annoncée par le nouveau gouvernement libéral dont les ministres ont été assermentés hier.

Les conservateurs ont aboli ce formulaire long obligatoire pour le remplacer par un formulaire plus court et volontaire avant le dernier recensement de 2011. Cette décision a été dénoncée par plusieurs groupes, chercheurs et même par des dirigeants de Statistique Canada comme étant non-justifiée et comme mettant en péril la qualité des données disponibles au pays.

Le ministre responsable, Navdeep Bains, a affirmé que cette décision pourrait être mise en oeuvre dès le prochain recensement par l'organisme fédéral, qui doit avoir lieu en 2016, et qu'elle n'engendrerait pas de coûts supplémentaires pour les contribuables.

Le ministre Bains et son collègue du cabinet Jean-Yves Duclos n'ont pas été en mesure de préciser quelle sanction s'appliquerait aux personnes qui décideraient de ne pas se conformer à l'obligation de répondre au questionnaire.

« Le formulaire long a toujours très bien fonctionné : en 2006, le taux de réponse était de 94 % », a déclaré M. Duclos, nouveau ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social.

Pressé de questions par les journalistes, le ministre Duclos a convenu que les sanctions prévues à la Loi sur la statistique pourraient en théorie s'appliquer, à savoir une amende maximale de cinq cents dollars ou un emprisonnement maximal de trois mois.

Mais il a minimisé cette possibilité en soulignant que « je pense qu'il y a une personne dans toute l'histoire du Canada qui a été invitée à des moyens un peu plus coercitifs et à la toute fin, ça s'est bien réglé quand même ».

« C'est un système qui fonctionnait très bien en 2006 et auparavant, qui a mené à des données plus fiables et à moindre coût que le système de 2011 », a conclu cet économiste et professeur de l'Université Laval.

Protéger la vie privée

Évoquant sa volonté de protéger la vie privée des Canadiens, le gouvernement Harper a présenté les changements à la méthodologie du recensement dans la Gazette du Canada en juillet 2010.

Ces changements visaient le formulaire long du recensement, qui pose des questions sur l'immigration, l'origine ethnique, les revenus et la religion, entre autres. L'ancien ministre de l'Industrie, Tony Clement, a décidé de rendre ce formulaire volontaire plutôt qu'obligatoire. En revanche, il a été envoyé à un ménage sur trois, plutôt qu'un ménage sur cinq comme en 2006. 

Le formulaire court du recensement est quant à lui resté tel quel en 2011 : obligatoire et envoyé à tous les ménages. Il porte sur des questions de base telles que la population, l'âge, le sexe et l'état civil.

De plus, le gouvernement conservateur n'a pas modifié la Loi sur la statistique du Canada pour retirer les peines de prison, bien qu'il ait maintes fois dénoncé le caractère inapproprié de cette possibilité d'emprisonner des gens s'ils refusent de répondre à des questions qui violeraient leur vie privée.

Plusieurs experts et chercheurs ont dénoncé ces changements, même après coup. Le vérificateur général du Canada a lui-même conclu dans un rapport en 2014 que le fait de transformer la formule longue obligatoire de l'enquête nationale en une formule facultative a bel et bien touché la qualité des données recueillies. C'est particulièrement vrai dans les régions peu peuplées : Statistique Canada n'a pas diffusé les données de sa nouvelle enquête facultative dans le quart des subdivisions de recensement « pour des raisons de qualité », a constaté le vérificateur Michael Ferguson.