La Gendarmerie royale du Canada (GRC) craint que la nouvelle loi antiterroriste, qui confie de nouveaux pouvoirs aux services secrets, nuise à ses enquêtes policières à l'étranger.

Dans une note interne préparée pour le sous-commissaire de la police fédérale, Mike Cabana, on lit que les nouveaux pouvoirs accordés par la «loi antiterroriste» au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) «mettent en péril, par inadvertance, des liens» que la GRC a tissés avec des collaborateurs à l'étranger.

De ce fait, la pression sera accrue pour que la police et les services secrets coordonnent davantage leurs activités, afin que les enquêtes criminelles de la GRC ne soient pas «affectées» par le SCRS, lit-on dans la note préparée pour M. Cabana en vue de son témoignage devant un comité sénatorial, le 20 avril dernier, sur le projet de loi antiterroriste C-51, adopté finalement le mois suivant aux Communes.

La Presse Canadienne a obtenu copie de la note interne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

La «loi antiterroriste» confie au SCRS les pouvoirs de non seulement recueillir de l'information, mais aussi de déjouer activement toute menace à la sécurité nationale, notamment en se mêlant aux sites extrémistes sur Internet, en déroutant des cargaisons illicites ou en participant à des stratagèmes divers.

La GRC, elle, compte des «agents de liaison» à l'étranger - notamment en Turquie, au Kenya et au Pakistan - pour mener des enquêtes criminelles sur des Canadiens partis faire le djihad en Afghanistan, en Somalie et en Syrie, rappelle-t-on dans la note interne de la police fédérale.

«La GRC, qui a tissé des liens importants avec des organismes d'application de la loi à l'étranger, craint que les activités du SCRS à l'extérieur du pays pour réduire les menaces à la sécurité nationale, si elles étaient connues des autorités, nuisent par inadvertance à ces liens existants, dans le cadre de certaines enquêtes» policières, soutient la note.

Même si le SCRS et la GRC partagent les mêmes intérêts, les deux services entretiennent des rapports parfois conflictuels et ne renseignent pas toujours l'autre partenaire sur leurs activités respectives. Les services d'espionnage craignent toujours, par ailleurs, que des informations secrètes soient révélées - voire «brûlées» - lors d'un procès criminel, auquel participe la GRC.

Depuis quelques années, les deux services ont développé un «modus operandi» qui leur permet de mener des enquêtes séparées sur une même cible.