Des terroristes pourraient se tourner vers le Canada pour acheter des drones, craint la GRC, au moment où le groupe armé État islamique (EI) manifeste son intérêt pour ces véhicules aériens sans pilote (UAV).

Une analyse interne de la Gendarmerie royale du Canada obtenue par La Presse évoque cette possibilité dans un document daté de décembre 2014 intitulé «Intérêt des extrémistes pour la technologie des UAV et répercussions éventuelles pour les fabricants canadiens d'UAV».

Ce document de six pages émane de l'Équipe nationale des infrastructures essentielles, qui évalue sur une base régulière les menaces susceptibles de peser sur diverses installations canadiennes, notamment les édifices fédéraux, les lignes à haute tension ou les pipelines.

«L'État islamique [...] a manifesté son intérêt pour les véhicules aériens sans pilote», précisent les auteurs d'entrée de jeu.

«Le risque pour des groupes extrémistes comme l'EI d'exploiter le secteur manufacturier canadien pour acquérir la technologie UAV est préoccupant, dans la mesure où ce genre de technologie pourrait servir à exécuter ou à soutenir des actes terroristes au Canada ou à l'étranger.»

Cette version caviardée obtenue en vertu de la Loi sur l'accès à l'information ne mentionne aucun cas où des extrémistes auraient bel et bien tenté de faire une telle acquisition.

«Le Canada compte de nombreux fabricants d'UAV et de technologies connexes», affirme cependant la GRC. Et «cette technologie est largement diffusée et accessible au grand public, ce qui pose le risque pour des groupes extrémistes, dont l'EI, d'exploiter le secteur manufacturier canadien pour s'approvisionner en technologie d'UAV.»

Comportements suspects

Le corps policier avise les «destinataires du présent document» à signaler toute activité suspecte relative à l'acquisition et à l'exportation illégale de ces appareils. Il donne même des exemples de comportements suspects, dont un acheteur qui est vague quant à l'utilisation qu'il compte en faire, qui négocie par l'entremise d'intermédiaires ou qui cherche à se procurer des marchandises dont les caractéristiques sont légèrement en dessous des limites permises pour l'exportation de ce type de marchandise sans obtenir une autorisation spéciale.

On ignore à qui ce document était destiné: la GRC n'a pas répondu à nos questions et les groupes et associations contactés par La Presse ont dit ne pas avoir reçu une telle mise en garde.

Jeremy Byatt, qui siège au conseil d'administration de Systèmes télécommandés Canada, association formée d'individus et de sociétés qui sont des acteurs de l'industrie, se montre toutefois sceptique: «Je trouve hautement improbable que l'EI puisse acheter quoi que ce soit au Canada, compte tenu des contrôles qui existent», a-t-il dit.

La Loi sur les licences d'exportation et d'importation établit certains seuils au-delà desquels un permis d'exportation peut être exigé. Ces seuils dépendent de certaines caractéristiques techniques des appareils ou des pièces, ou encore du pays auquel ils sont destinés.

«Ils pourraient probablement acheter de l'équipement de petite taille et destiné au loisir, mais il serait à ce point limité en termes de capacité que ce ne serait pas utile d'un point de vue militaire, a ajouté M. Byatt. Ça ne vole pas très loin, ça ne reste pas en l'air très longtemps et ça ne peut pas transporter grand-chose.»

- Avec William Leclerc

Déjà en 2014

Ce n'est pas la première fois que la GRC se prononce sur les UAV et s'inquiète de leur possible utilisation par des groupes terroristes. Une note écrite en mars 2014 par l'Équipe nationale des infrastructures essentielles mettait en garde contre l'«utilisation par des extrémistes de véhicules aériens sans pilote (UAV)». Certains des complots ourdis à travers le monde pour se servir de drones pour commettre des actes terroristes ont été neutralisés, pouvait-on lire dans le document. Mais «on ne peut ignorer l'utilisation éventuelle d'UAV pour commettre des attentats contre les infrastructures essentielles». Le service de renseignement recommandait même la «réalisation d'études scientifiques supplémentaires afin de déterminer la faisabilité» de ces attaques et de «prendre les mesures de protection qui s'imposent». Transports Canada a d'ailleurs récemment annoncé une consultation sur de nouvelles règles qui visent à mieux encadrer l'utilisation de ce type d'appareils qui gagnent en popularité au Canada.