Le gouvernement doit remercier «immédiatement» le chef d'état-major des Forces armées canadiennes (FAC) en raison des propos qu'il a tenus sur l'inconduite sexuelle, selon le chef libéral Justin Trudeau.

Dans une entrevue au réseau anglais de Radio-Canada, le général Tom Lawson a déclaré que les hommes étaient en quelque sorte programmés biologiquement pour avoir des pulsions les poussant à l'inconduite sexuelle.Il a ainsi suggéré, lors de cet entretien diffusé mardi soir, que «certains pourraient croire que c'est une chose raisonnable de s'imposer («press themselves») et d'imposer leurs désirs aux autres, mais cela ne devrait pas être ainsi».

Le général Lawson, qui doit tirer sa révérence d'ici quelques semaines, a rapidement présenté des excuses face à la controverse qu'ont suscitée ses commentaires sur les réseaux sociaux après que des extraits de l'entrevue eurent été présentés sur Internet.

«Je suis désolé d'avoir caractérisé maladroitement (...) l'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes», a-t-il déclaré dans un communiqué.

«Mon commentaire sur l'attirance biologique en tant que facteur d'inconduite sexuelle ne visait en aucun cas à dispenser de responsabilités les personnes ayant commis une inconduite», a poursuivi le numéro un des FAC.

Mais cet acte de contrition ne satisfait en rien le chef du Parti libéral du Canada (PLC), Justin Trudeau, qui a ainsi appelé à la démission immédiate du général Lawson.

«Le commentaire du général Lawson est complètement inacceptable; en plus, ses excuses étaient tout à fait inadéquates. On est en 2015. Le général Lawson devrait être remercié immédiatement de ses services», a-t-il lancé d'un ton catégorique en point de presse à Ottawa.

Sa porte-parole en matière de défense, Joyce Murray, a dit voir en ces propos l'expression de la culture de sexualisation que l'ancienne juge de la Cour suprême du Canada Marie Deschamps décrivait dans un rapport accablant déposé le 30 avril dernier.

Et ces propos aident par ailleurs «à comprendre pourquoi le rapport Deschamps n'a jamais été pris au sérieux. Ni par le chef d'état-major, ni par le ministre», a suggéré Mme Murray en mêlée de presse, mercredi matin.

Le chef de l'opposition officielle n'est pas allé jusqu'à réclamer la tête du grand patron des FAC, qui doit de toute façon céder sa place au lieutenant-général Jonathan Vance à l'automne.

Car selon Thomas Mulcair, il revient au gouvernement d'envoyer le «signal clair» qu'il est grand temps que les choses changent au sein des FAC.

«Mais le vrai problème, c'est qu'à la base, le gouvernement conservateur ne croit pas en l'importance de forcer un changement de culture au niveau du harcèlement sexuel au sein de nos forces militaires», a-t-il accusé en point de presse à la sortie du caucus de son parti.

La porte-parole néo-démocrate en matière de défense, Élaine Michaud, a invité un peu plus tôt le ministre de la Défense, Jason Kenney, à clairement dénoncer des propos «franchement inacceptables» à ses yeux.

«Les agressions sexuelles, c'est quelque chose de criminel et ça n'a rien à voir avec la biologie. (...) De voir que de telles attitudes assez archaïques persistent chez les hauts gradés, pour moi, c'est assez préoccupant», a-t-elle dit en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

Invité à réagir aux propos controversés du chef d'état-major, le premier ministre Stephen Harper les a dénoncés à la Chambre des communes pendant la période des questions.

Il a dit que ces commentaires étaient «tout à fait inacceptables» en plus d'être «inappropriés» et «offensants».

Lorsque Justin Trudeau lui a demandé pourquoi il n'avait pas remercié sur-le-champ le général Lawson, le chef conservateur a simplement répondu que son successeur était déjà nommé.

Pour le moment, le ministre Kenney s'est contenté d'une déclaration écrite par l'entremise de son attachée de presse.

«Le chef d'état-major de la Défense s'est excusé pour ses commentaires inappropriés. Quiconque fait le choix de servir notre pays ne devrait pas avoir à faire face à l'inconduite sexuelle», a écrit Lauren Armstrong.

Elle a refusé de dire si le général Lawson avait toujours la confiance de M. Kenney.

De leur côté, les députés conservateurs ont généralement soutenu que le général Lawson avait toujours sa place à la tête de l'armée canadienne.

«Absolument. (...) Il est un grand meneur et il a fait un très bon travail, et je pense qu'il s'est excusé», a offert la ministre d'État au Développement social, Candice Bergen, disant toutefois ne pas être en accord avec ce que Tom Lawson a dit.

Sa collègue, la ministre des Transports, Lisa Raitt, a pour sa part laissé tomber qu'elle était «bouche bée» lorsqu'on lui a demandé de commenter les propos de Tom Lawson avant d'entrer au caucus de son parti.