Trois mois après que le débat eut fait rage partout au pays, une juge de la citoyenneté a accepté qu'une femme assiste à la quasi-totalité de sa propre cérémonie de citoyenneté en étant vêtue d'un niqab, plus tôt cette semaine à Montréal, a appris La Presse.

La présence d'une candidate citoyenne vêtue d'un tel voile intégral est rarissime, selon une source gouvernementale.

La toute nouvelle citoyenne canadienne a toutefois respecté les règles en vigueur et s'est découvert le visage pendant quelques instants, le temps de prêter serment.

Certaines personnes dans l'audience ont ressenti un malaise face à la présence du niqab, ce voile intégral qui n'est percé que d'une étroite fente pour permettre la vision. Mais aucun esclandre n'est venu troubler la cérémonie, qui s'est tenue mercredi matin.

La femme était accompagnée d'un homme et de deux enfants. La cérémonie, tenue mercredi dernier au Centre hellénique de Montréal de Côte-des-Neiges, réunissait plus d'une centaine de personnes. Les individus sur le point de devenir citoyens canadiens étaient tour à tour appelés à l'avant de la salle pour prêter serment à la reine et au Canada.

«Ce sont des cas très, très, très rares, a indiqué une source gouvernementale. C'est minime, sur le nombre de cérémonies qui se tiennent.»

Sursis

À la mi-février, la Cour fédérale a permis à une Ontarienne de prêter serment à visage couvert. Ottawa a toutefois porté cette décision en appel.

Il y a trois semaines, les procureurs fédéraux ont toutefois obtenu un sursis de cette décision, le temps que la contestation soit entendue. La procédure initiale est donc revenue en vigueur.

«La politique selon laquelle tous les candidats doivent se montrer le visage lorsqu'ils prêtent le serment de citoyenneté demeure en place en attendant l'issue de l'appel», a confirmé le Ministère, dans un courriel.

Citoyenneté et Immigration Canada a confirmé que «les règles concernant le visage découvert lors des serments ont été respectées» lors de la cérémonie en question.

L'enjeu avait créé un vif débat partout au Canada l'hiver dernier. Le gouvernement Harper avait manifestement pris position contre la possibilité pour une musulmane de se couvrir le visage pendant sa prestation de serment, alors que néo-démocrates et libéraux étaient en faveur.

Un député conservateur s'était toutefois fait rabrouer par son propre parti après avoir invité les immigrantes à «rester dans le pays où [elles étaient]» si elles prévoyaient porter un niqab lors de leur cérémonie de citoyenneté. Larry Miller s'était ensuite excusé, soulignant toutefois qu'il demeurait opposé aux prestations de serment à visage couvert.

Une juge proche des conservateurs

Lors de la cérémonie de mercredi dernier, c'est la juge de l'immigration Myriam Taschereau qui a eu à interpréter les procédures d'identification prévues au Guide pour les cérémonies de citoyenneté. Ex-porte-parole francophone du premier ministre Harper, Mme Taschereau a évolué dans les milieux conservateurs et avait été pressentie comme candidate à la direction de l'Action démocratique du Québec (ADQ) en 2009. L'année précédente, elle avait été candidate conservatrice à Québec.

Mme Taschereau a été nommée juge de l'immigration l'an dernier. Sa sélection avait été décriée par l'opposition. Jointe hier, elle n'a pas voulu émettre de commentaire.