Contrairement à une certaine croyance, les pénitenciers ne seraient pas des terrains fertiles pour la radicalisation, si l'on en croit des recherches effectuées par le Service correctionnel du Canada. Et le potentiel de réinsertion sociale des détenus «extrémistes» serait même meilleur que celui des autres détenus.

Ces résultats préliminaires sont tirés d'une étude menée sur plusieurs années, et toujours en cours, par l'agence fédérale Recherche et développement pour la défense Canada, en collaboration avec le Service correctionnel. La Presse Canadienne a obtenu, grâce à la Loi sur l'accès à l'information, un résumé, datant de 2014, des études entreprises par le Service correctionnel. En présentation, le document évoque les inquiétudes soulevées par une présumée radicalisation des détenus, mais rappelle que peu de données précises viennent étayer ces perceptions.

Un des meurtriers dans l'attentat à Charlie Hebdo» à Paris, en janvier, avait été séduit par le discours d'un codétenu condamné pour activités terroristes, ce qui a alimenté la thèse selon laquelle la prison constitue un incubateur d'extrémistes.

En fait, les chercheurs concluent que plusieurs détenus qui adoptent des idéologies radicales derrière les barreaux les abandonnent ensuite à leur sortie du pénitencier. Ce qui n'empêche pas les chercheurs de vouloir comprendre les mécanismes de radicalisation des détenus.

Selon les recherches, les détenus qui se radicalisent au pénitencier sont plus jeunes que les autres détenus, sont plus instruits, ont plus souvent occupé un emploi stable et ont moins eu maille à partir avec la justice avant leur incarcération. Par ailleurs, ils souffrent moins de maladies mentales et de toxicomanie. De ce fait, leur potentiel de réinsertion sociale serait de «modéré à élevé», indique le résumé des recherches.

Une recension des études existantes identifie par ailleurs plusieurs facteurs qui peuvent rendre une personne vulnérable à la radicalisation: peu de soutien à la maison, violence familiale, attitudes négatives face à la société, et tendances à porter plainte.

D'autre part, des études préliminaires menées auprès des agents correctionnels et de membres de la communauté ont identifié deux groupes distincts de personnes susceptibles de commettre un acte «extrémiste». Le premier type est une personne sans attaches ni formation particulière, qui pourra facilement être recrutée par les dirigeants d'un groupe pour faire le sale boulot. Le second type est une personne instruite, qui dispose d'un bon réseau social, et qui est recrutée justement pour ses talents et ses habiletés.

Des notes internes au Service correctionnel indiquent par ailleurs qu'aucun programme spécifique n'existe pour les détenus extrémistes. «Un plan de détention est élaboré pour chaque détenu, et utilisé ensuite pour mesurer ses progrès en regard des objectifs fixés», a répondu une porte-parole du Service correctionnel.