Les Cris déplorent que le gouvernement du Québec ait nommé «à la hâte» Lucien Bouchard à titre de médiateur dans le dossier qui les oppose à l'entreprise Produits forestiers Résolu.

Le négociateur et porte-parole du Grand Conseil des Cris, Abel Bosum, se demande si le gouvernement s'intéresse réellement au sort des forêts en territoire cri ou s'il ne souhaite que satisfaire Résolu, qui a fait face à un vent d'opposition après la perte de sa certification FSC, en raison de son différend avec la communauté autochtone.

Depuis la perte de sa certification environnementale FSC, Résolu a perdu un lucratif contrat avec le géant américain Best Buy. Une décision qui a provoqué un vent de panique à l'usine de Résolu de Kénogami, dont le tiers de la production annuelle était destiné à Best Buy.

Le conflit entre les Cris, d'un côté, et le gouvernement et Résolu, de l'autre, traîne depuis 2009. Le noeud du conflit réside dans la méthode à privilégier pour exploiter la forêt.

Le Grand Conseil des Cris estime que le gouvernement du Québec et Résolu ont, à partir de 2009, «intentionnellement et unilatéralement» mis en oeuvre un programme de coupe contraire à une entente de 2002 et qui ne respecte par le patrimoine naturel, la faune et les communautés.

Vendredi, les Cris ont été pris de court par l'annonce du gouvernement.

Ils ont réalisé que M. Bouchard avait été invité à se pencher sur la question des certificats FSC, mais non sur le coeur du problème, selon M. Bosum.

«Nous leur avons fait perdre leur certification FSC. Pendant une longue période, Résolu n'a fait aucun effort pour répondre à nos préoccupations. Mais maintenant que Best Buy lui a tourné le dos, il semble que ça évolue. Cependant, il ne faut pas seulement satisfaire Résolu, il faut aussi penser aux Cris», a soutenu le porte-parole du Grand Conseil des Cris, à l'occasion d'une entrevue avec La Presse Canadienne.

La méthode de coupes forestières introduite en 2009 a provoqué de grands changements et le gouvernement doit tendre l'oreille aux préoccupations des Cris, affirme M. Bosum.

«Auparavant, l'entreprise travaillait avec nous pour décider les endroits où il y aurait des coupes. Nos anciens ont une connaissance du territoire et de la vie sauvage. Ils savent comment protéger la nature, tout en permettant des coupes localisées», explique-t-il.

Il faut aborder cet enjeu, clament les Cris, qui considèrent que le gouvernement vient décider de manière unilatérale l'étendue du mandat de Lucien Bouchard. Le porte-parole du Grand Conseil des Cris estime que les partis devaient définir le mandat du médiateur, avant d'en nommer un.

«Nous n'avons pas de problème avec Lucien Bouchard comme médiateur. Nous avons travaillé avec lui par le passé et nous sommes prêts à le faire encore», ajoute du même souffle M. Bosum.

L'industrie salue l'arrivée de Lucien Bouchard

Alors que les Cris publiaient en soirée un communiqué pour expliquer leur insatisfaction face à la décision, le Conseil de l'industrie forestière du Québec la saluait dans une déclaration distincte publiée à peu près au même moment.

Le président-directeur général de l'organisation, André Tremblay, s'est réjoui de la nomination de Lucien Bouchard.

«L'expérience et les talents de médiateur de M.Bouchard, jumelés à sa vaste connaissance des enjeux autochtones et de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, sont propices à l'identification de solutions inspirées des trois piliers du développement durable, soit les aspects environnementaux, sociaux et économiques», a déclaré M. Tremblay.

Il a par ailleurs souligné que le processus de certification forestière est «une démarche volontaire de l'industrie».

Selon lui, le débat qui a cours sur le maintien des certifications est en grande partie hors du contrôle des entreprises. «Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne les éléments de non-conformité, comme les enjeux autochtones, la conservation des vieilles forêts et la protection du caribou forestier, qui relèvent de la compétence du gouvernement du Québec», a-t-il indiqué.

Depuis son retrait de la vie politique, Lucien Bouchard exerce le droit au sein de la firme Davies Ward Phillips & Vineberg. Il agit en tant que négociateur, conseiller juridique et médiateur, notamment dans des dossiers commerciaux et en relations de travail.