Une trentaine de ministères et organismes gouvernementaux fédéraux ont eu recours à des centaines de stagiaires depuis 2008, mais seulement une poignée d'entre eux ont finalement pu décrocher un poste rémunéré.

Des 961 stagiaires non rémunérés qui avaient été appelés à travailler au palier fédéral, seulement 22 ont fini par y être embauchés, a appris le Nouveau Parti démocratique (NPD), qui avait adressé une demande d'information à ce sujet. La demande du NPD visait tous les ministères et agences fédéraux à l'exception de ceux qui ont participé au Programme postsecondaire d'enseignement coopératif d'internat.

C'est le ministère des Anciens Combattants qui remporte la palme à ce chapitre, puisqu'il a fait travailler à lui seul 142 stagiaires depuis 2008, alors qu'un seul a finalement été embauché pour occuper un poste rémunéré.

Le ministère de la Défense nationale a eu recours à 57 stagiaires; sept se sont vu offrir un poste rémunéré.

Un certain nombre de ministères n'ont pas transmis leurs données d'embauche de stagiaires, puisqu'ils ne les enregistrent pas. D'autres ministères disposaient de données, mais pour certaines années seulement.

Les 961 stages enregistrés pouvaient varier d'une durée de quelques semaines à plusieurs mois. Certains stagiaires ont effectué des semaines de plus de 30 heures.

La députée néo-démocrate Laurin Liu, qui avait déposé un projet de loi d'initiative parlementaire pour encadrer cette pratique par les entreprises de compétence fédérale, s'est dite stupéfaite de voir que si peu de stagiaires avaient été embauchés pour un poste rémunéré après leur stage. «C'est vraiment étonnant! Cela donne une proportion d'environ 2,3%; c'est très peu», a-t-elle opiné.

Le projet de loi de Mme Liu visait à restreindre le recours à des stages non rémunérés qui n'ont pas un but de formation; il visait à s'assurer que ces stages profitaient d'abord au stagiaire et comportaient un volet éducatif ou de formation.

Le projet de loi, qui a peu de chances d'être adopté puisqu'il ne provient pas du côté gouvernemental, permettait également d'étendre des normes de santé et sécurité aux stagiaires.

Cette question des conditions de travail des stagiaires non rémunérés avait fait les manchettes en 2011, lorsqu'un étudiant de l'Institut de technologie du nord de l'Alberta, Andrew Ferguson, était décédé lorsqu'il rentrait chez lui, au volant, après une journée de travail. Il venait de compléter une journée de 16 heures dans une station de radio.

Le gouvernement de l'Ontario avait aussi dénoncé cette pratique, qui avait cours dans plusieurs magazines de Toronto. Depuis, ces magazines ont cessé d'employer des stagiaires non rémunérés.

Pourtant, en novembre dernier, le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, avait affirmé que les diplômés universitaires qui ne trouvent pas d'emploi et qui vivent toujours chez leurs parents devraient chercher à rendre leur curriculum vitae plus intéressant en acceptant de travailler sans salaire pour pouvoir démontrer une expérience de travail.

«Malheureusement, rien de tout cela n'est étonnant. Ce gouvernement n'a jamais cherché à défendre les intérêts des jeunes travailleurs, comme le sous-emploi, les inégalités et les emplois précaires», a commenté Me Andrew Langille, un avocat reconnu pour sa défense des jeunes travailleurs.

«C'est rendu qu'il contribue même au problème des stages non rémunérés. Le gouvernement fédéral a pourtant les moyens de payer ses stagiaires. Il ne devrait pas profiter de cette main-d'oeuvre en lui demandant de travailler sans salaire», a-t-il ajouté.