Une adolescente oji-crie qui avait été sauvagement battue et laissée pour morte à Winnipeg, le mois dernier, est venue ajouter sa voix, mardi, à celles qui réclament une commission d'enquête nationale sur les meurtres et les disparitions de femmes autochtones au Canada.

Rinelle Harper, âgée de 16 ans, a été honorée lors d'une cérémonie spéciale à l'ouverture de la réunion de trois jours des délégués de l'Assemblée des Premières Nations (APN), à Winnipeg justement. L'adolescente, de la communauté de la Première Nation oji-crie de Garden Hill, dans le nord-est du Manitoba, s'est adressée brièvement aux délégués, demandant à nouveau la tenue d'une enquête nationale, que le gouvernement fédéral refuse toujours d'accorder.

«À titre de survivante, je vous demande, en tout respect, d'exiger une enquête nationale sur les meurtres et les disparitions de femmes autochtones», a-t-elle dit d'une voix nerveuse aux quelque 400 délégués de l'APN. «À vous tous qui êtes réunis ici, je demande de vous souvenir de quelques mots tout simples: amour, gentillesse, respect et pardon.»

Flanquée de ses parents et de sa soeur aînée, elle a lancé qu'il fallait mettre un terme à cette culture de violence contre les femmes autochtones du pays.

L'adolescente a été attaquée à deux reprises près de la rivière Assiniboine, à Winnipeg, le mois dernier, alors qu'elle venait de célébrer la fin des examens de mi-session. Elle avait accompagné jusqu'à la rivière deux jeunes hommes rencontrés par hasard, qui l'ont, selon la police, agressée brutalement puis jetée dans les eaux froides de l'Assiniboine. L'adolescente a quand même réussi à nager jusqu'à la rive en amont, mais lorsqu'elle est sortie de l'eau, elle a été à nouveau attaquée et laissée pour morte, selon la police.

Deux hommes, âgés de 20 et 17 ans, ont été arrêtés presque tout de suite après que la famille de Rinelle Harper a accepté de rendre public son nom - même si elle est mineure et qu'elle est la victime présumée d'une agression sexuelle. Les jeunes hommes sont accusés de tentative de meurtre et d'agression sexuelle. Ils sont aussi accusés d'avoir agressé sexuellement une femme de 23 ans plus tard le même soir.

Certains ont depuis qualifié Rinelle Harper d'héroïne pour avoir trompé ainsi la mort, alors que des centaines d'autres femmes autochtones agressées ou disparues ont connu une fin plus tragique.

Elle a reçu mardi, lors de cette cérémonie de l'Assemblée des Premières Nations, une plume d'aigle, symbole de résilience. L'adolescente a d'ailleurs bien hâte de retrouver maintenant son école, ses amis et sa vie. Mais selon un de ses parents, le grand chef David Harper, des aînés ont expliqué à l'adolescente que sa survie lui avait confié un don: «celui de parler au nom de celles qui ne le peuvent plus».

En plus de l'élection d'un nouveau chef, cette question des femmes autochtones tuées ou disparues sera d'ailleurs au coeur de l'ordre du jour de la rencontre de l'APN, cette semaine. Les chefs et les délégués doivent élaborer leur stratégie à la veille d'une table ronde nationale sur le sujet organisée par Ottawa au début de 2015.

Selon un rapport de la Gendarmerie royale du Canada publié plus tôt cette année, 1181 femmes autochtones ont disparu ou ont été assassinées au pays depuis 1980. Alors qu'elles représentent 4,3 pour cent de la population totale, les femmes autochtones comptent pour 16 pour cent de tous les homicides de Canadiennes.