De nombreux adolescents hésitent toujours à sortir de l'ombre après avoir subi une agression sexuelle même si les appels à la dénonciation se multiplient.

C'est le constat auquel en est arrivée l'intervenante professionnelle Sindy Brodeur.

Mme Brodeur, qui oeuvre entre autres chez Tel-jeunes, soutient que si ces victimes tergiversent énormément avant de se confier, c'est qu'elles ont tendance à évoluer dans un cercle fermé et qu'elles voient toujours les mêmes visages à l'intérieur et à l'extérieur des murs de leur école.

Dans de pareilles circonstances, il devient extrêmement pénible pour elles de faire un signalement parce qu'elles continuent souvent de côtoyer leur agresseur sur une base régulière et qu'en plus, ce dernier peut fort bien être connu et apprécié des autres membres de ce microcosme. Les jeunes victimes vivent donc dans la hantise d'être ostracisées au sein de leur cercle d'amis.

Elles peuvent également décider de se taire en raison de leur manque d'expérience, selon Sindy Brodeur. En effet, c'est souvent à l'adolescence que l'expérimentation sexuelle s'amorce. Il peut alors être difficile de déterminer avec exactitude en quoi consiste une agression.

Mme Brodeur soutient que «les jeunes vont, parfois, se trouver dans des situations ambiguës dans lesquelles ils ont consenti à faire certaines choses, mais pas tout». Elle ajoute qu'ils auront donc le sentiment que l'autre n'a pas respecté leurs limites, mais ils «ressentiront tout de même une forte culpabilité, car ils avaient choisi d'être là».

L'intervenante souligne que, pour en arriver à ce point-là, les adolescents ont souvent dû, au préalable, transgresser des règles qui leur avaient été imposées au sein de leur famille. Ils craignent donc de se tourner vers leurs parents pour discuter de leur expérience, car ils ont peur de les décevoir ou encore d'être punis.

Sindy Brodeur précise qu'il n'est donc pas surprenant que, sur une base annuelle, quelque 700 jeunes contactent le service d'aide auquel elle est associée dans l'espoir de pouvoir obtenir du soutien et/ou de l'information en lien avec le phénomène de l'agression sexuelle. Mme Brodeur spécifie que les intervenants avec lesquels ils échangent ne se comportent pas systématiquement de la même façon.

«Si l'adolescent appelle alors qu'il se trouve en état de choc, car l'agression vient juste d'avoir lieu, la réaction première sera de le référer à l'hôpital pour qu'il soit pris en charge immédiatement», mentionne-t-elle. Si un laps de temps important s'est écoulé depuis, l'adolescent sera alors accompagné dans sa réflexion afin de l'aider à comprendre pourquoi il s'est senti comme ça. «On va essayer de renverser le sentiment de culpabilité en lui rappelant que la personne qui a quelque chose à se reprocher ce n'est pas la victime, mais bien la personne qui n'a pas respecté les limites».

Sindy Brodeur insiste sur le fait qu'aucune jeune victime ne subit de pression pour porter plainte. «On ne prendra pas cette décision-là à sa place. C'est elle qui doit avoir le pouvoir sur la suite des choses.»