L'ancienne ministre libérale fédérale Sheila Copps a déclaré qu'elle avait été violée par un compagnon il y a des années, et qu'elle avait été agressée sexuellement par un député alors qu'elle siégeait à l'Assemblée législative de l'Ontario.

L'ex-vice première ministre dans le cabinet de Jean Chrétien se dit donc très solidaire des deux députées néo-démocrates qui hésitent à préciser publiquement leurs allégations de «conduite inappropriée» de deux députés libéraux à leur endroit. Mais elle croit tout de même que les deux femmes, qui ne sont pas identifiées pour l'instant, seraient dans une bonne position pour favoriser un changement des mentalités face au harcèlement sexuel si elles déposaient une plainte formelle.

Selon l'ex-ministre ontarienne, ces députées ont le réel pouvoir de changer les choses. Et contrairement à un membre du personnel politique d'un député, ces élues n'ont pas à craindre de perdre leur emploi ou d'être rétrogradées si elles dénoncent des cas de harcèlement sexuel, a-t-elle soutenu.

Cela dit, Mme Copps se garde bien de pousser les deux femmes à porter plainte - «je crois que la décision leur appartient». Elle-même n'avait raconté à personne l'agression sexuelle subie à l'âge de 28 ans lorsqu'elle était toute nouvelle députée à l'Assemblée législative de l'Ontario.

Lors du déplacement d'une commission parlementaire itinérante dans le Nord de la province, un collègue conservateur l'avait plaquée contre un mur de l'hôtel, en sortant de l'ascenseur, et avait commencé à l'embrasser de force en lui touchant les seins, selon Mme Copps. Elle avait finalement réussi à se tirer de cette agression en assénant un coup de genou dans l'entrejambe du collègue député, «là où ça fait mal - une technique de basketball», a-t-elle dit.

Triste ironie: la commission parlementaire menait des audiences publiques sur la violence contre les femmes.

«Il ne s'est plus jamais approché de moi par la suite, et ça a été la fin de l'histoire», a-t-elle raconté en entrevue, lundi. Mme Copps n'a pas jugé bon de porter plainte, car elle estimait qu'elle avait fait ce qu'il fallait, et que l'affaire était close. Elle a évoqué l'agression quelques années plus tard dans un premier livre sur son expérience de femme politicienne dans un monde d'hommes.

Avant même de faire de la politique, elle était par ailleurs allée à la police pour un cas de viol commis par un ami. Mais on lui a alors répondu que cela ne donnerait pas grand-chose de porter plainte formellement, puisque ce serait «sa parole contre celle de son ami», et que les chances d'obtenir une condamnation étaient bien minces. La police a cependant rendu une petite visite à cet ami pour lui signifier que son comportement était inacceptable, et Mme Copps a alors considéré qu'elle n'avait plus rien à craindre de cet homme.

À titre de députée fédérale entre 1993 et 2004, elle n'a toutefois jamais été agressée sexuellement, bien qu'elle ait été souvent victime de commentaires sexistes - un député conservateur l'avait même appelée salope («slut») en pleine Chambre des communes.

De nos jours, a-t-elle dit, le nombre de femmes aux Communes a augmenté, et le seuil de tolérance face au harcèlement ou aux agressions sexuelles est beaucoup plus bas. Mais Mme Copps déplore l'absence de mécanisme formel pour régler les allégations aux Communes.

Des milliers d'autres voix, connues ou non, y sont allées depuis de leurs confidences personnelles devenues virales au Canada sous les mots-clés «BeenRapedNeverReported» et «AgressionNonDénoncée».