Québec pourrait devoir poursuivre les automobilistes n'ayant pas payé leur facture après avoir traversé le futur pont Champlain, selon des documents fédéraux obtenus par La Presse. Mais le gouvernement Couillard affirme qu'il n'est pas question de négocier une entente pour faciliter l'implantation du péage.

Infrastructure Canada a confirmé à la fin de septembre que le péage sur le futur pont sera entièrement électronique. Cette technologie permet d'éviter de poser des barrières, ce qui ralentirait la circulation.

Ce système, muni d'un dispositif de détection des plaques d'immatriculation, forcerait Québec à mobiliser des ressources pour poursuivre les contrevenants, révèle un rapport de la firme IBI Group obtenu par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information. Le document note qu'il reviendra au ministère de la Justice de poursuivre les automobilistes qui omettraient de payer leur facture.

Pour ce faire, l'implantation du péage sur le futur pont Champlain doit faire l'objet d'une entente comme celle qu'a conclue l'entreprise qui exploite le pont de l'autoroute 25, au nord de Montréal.

Chaque fois qu'une voiture franchit le pont de l'A25, une caméra capte son numéro de plaque. Lorsque la voiture n'est pas munie d'un transpondeur, l'entreprise qui exploite l'infrastructure peut obtenir de la Société de l'assurance automobile (SAAQ) l'adresse du propriétaire pour lui expédier une facture.

Lorsque le client omet de payer, le Bureau des infractions et des amendes (BIA), relevant du ministère de la Justice, est chargé de le poursuivre.

«À ce jour, le BIA n'a pas reçu d'information sur le traitement des dossiers du futur pont Champlain», a indiqué le porte-parole du Ministère, Paul-Jean Charest.

Le ministre des Transports, Robert Poëti, affirme qu'il n'est pas question de négocier avec Ottawa à ce stade-ci. Le consortium qui mènera le projet n'est pas encore sélectionné et le pont ne sera mis en service qu'en 2018, dit-il. D'ici là, il presse le gouvernement conservateur de renoncer au péage.

«J'ai plusieurs leviers pour combattre le péage, et je le leur dis, a indiqué M. Poëti hier. Je pense qu'eux-mêmes, quand ils ont lu leur étude sur ce qui se passerait s'il y avait un péage, se sont aperçus du capharnaüm que ça va provoquer. Je pense qu'eux-mêmes, bien qu'ils ne le disent pas, se questionnent sur le fait d'imposer un péage sur le pont Champlain.»

Les questions de La Presse à Infrastructure Canada sur d'éventuelles négociations avec Québec sont restées sans réponse. Au bureau du lieutenant québécois de Stephen Harper, Denis Lebel, on a refusé de préciser quand les pourparlers seront engagés.

«Les modalités sur le péage seront annoncées en temps et lieu», a indiqué la porte-parole du ministre, Michèle-Jamali Paquette.

- Avec la collaboration de William Leclerc

Quelques difficultés liées au péage électronique

Les clients hors Québec

Pendant que les automobilistes montréalais passent à la caisse, ceux de l'Ontario ou des États-Unis pourraient ne pas être contraints à payer pour traverser le futur pont Champlain, révèlent nos documents. La collecte de clients non locaux est l'un des «plus grands défis», selon IBI Group, car rares sont les provinces ou les États qui ont conclu des ententes de réciprocité pour poursuivre les automobilistes fautifs.

Facturer à la bonne personne

Il incombe au propriétaire du véhicule qui traverse le pont de payer la note en tout temps, mais qui paye lorsque le véhicule a été volé? Les autorités doivent prévoir un cadre législatif adéquat pour affronter des situations inhabituelles, note IBI Group. Parmi celles-ci, on compte les véhicules de location ou ceux qui ont été vendus récemment et dont les nouveaux propriétaires ne sont pas encore inscrits auprès des autorités.

Suspendre le permis des mauvais payeurs?

La plupart des automobilistes payent leur facture à temps, mais pour certains, les pénalités sont trop minimes pour les convaincre de passer à la caisse. IBI Group note que certains États suspendent les permis de conduire ou l'immatriculation des véhicules pour forcer la main aux récalcitrants. Une telle mesure nécessiterait un encadrement serré des autorités législatives et des ministères concernés, note la recherche.