Le directeur général de Saint-Lambert a étouffé des sanglots à plusieurs reprises en racontant devant le tribunal de la Commission municipale du Québec (CMQ) comment il en est venu à conclure à du harcèlement de la part du maire de la municipalité, Alain Dépatie, et d'un conseiller, dans le but de le congédier. «J'étais bouleversé», a-t-il dit à plusieurs reprises en relatant les évènements de la dernière année.

De retour dans ses fonctions depuis à peine quelques semaines en raison d'une chirurgie pour blessure au pied, François Vaillancourt a témoigné durant plus de trois heures, vendredi, des circonstances qui l'ont contraint à prendre un arrêt de travail, en janvier dernier, et à entamer des procédures judiciaires. Il est déjà passé à travers un processus de médiation de réintégration au travail.

«Ça y est, mon chien est mort. Demain, je serai suspendu, puis on va mettre fin à mon contrat», a répondu M. Vaillancourt aux juges, quand on lui a demandé sa réaction à un courriel du maire envoyé en soirée, le 2 décembre 2013, le convoquant à une réunion sans en préciser l'objet, le lendemain matin, 9h30. Réunion au cours de laquelle le maire aurait admis qu'il avait l'air «bourru», en prévenant qu'il craignait de «déraper».

Les procédures judiciaires qui ont mené à ces audiences ont été lancées par des conseillers outrés par la conduite du maire et du conseiller Jean Bouchard.

À la suite de l'élection de 2013

Ce feuilleton d'ordre éthique et déontologique a commencé dans les jours suivant les élections de novembre 2013, quand le maire s'est absenté de la cérémonie de prestation de serment pour des raisons de santé.

Le directeur général a expliqué au tribunal administratif à quel point il avait alors tenu à rassurer les nouveaux élus au sujet de l'absence de M. Dépatie, se bornant à dire que c'était pour des «motifs personnels.» Il a aussi relaté comment il a essayé de calmer le jeu auprès du conseiller Jean Bouchard, qui semblait dans une position «inconfortable» et qui lui demandait «pourquoi».

Puis, le 9 novembre, lors d'une journée de formation auprès des élus, le maire aurait fait son entrée de façon fracassante dans la salle de réunion. «Il a dit aux élus et aux directeurs: «Apparemment, je suis à l'article de la mort?» Il a ensuite demandé sur un ton autoritaire à Me Gerbeau [greffier] de lui faire prêter serment. Ce qu'il a fait. On l'a ensuite félicité. J'étais mal à l'aise après cette réunion, je me disais que j'avais professionnellement gaffé», a affirmé le directeur général.

M. Vaillancourt a ensuite découvert que le maire avait demandé «à son insu» son contrat de travail. Au fil des jours et des semaines, par l'entremise du conseiller municipal Martin Smith, il s'est rendu compte que le maire et le conseiller Bouchard cherchaient une façon de le congédier. «Ils montaient un scénario pour le congédier, c'était clair», a dit à La Presse le conseiller Smith, qui a porté plainte auprès du ministère des Affaires municipales avec d'autres élus.

«Il faut trouver une faute grave»

Quelques rencontres, des discussions derrière des portes closes, une autre rencontre avec le conseiller Bouchard où il l'aurait accusé «d'être à la solde» de l'ancien maire, l'a finalement conduit M. Vaillancourt à ce fameux jour du 30 décembre où il a entendu le maire et le conseiller parler de lui.

«Ils ont dit: «Il faut trouver une faute grave si on veut s'en départir.» J'étais abasourdi», a-t-il soutenu, en rappelant comment, en l'absence du maire, il a mis sur pied un comité d'urgence en collaboration avec la Croix-Rouge dans la foulée d'un incendie qui a mis une quarantaine de familles à la rue deux jours avant Noël. Le lendemain, il prenait une semaine de vacances. Le 10 janvier, sa conjointe le sommait d'aller chez le médecin, «sinon elle appelait l'ambulance».

Le contre-interrogatoire de M. Vaillancourt devrait avoir lieu fin novembre. Le maire Alain Dépatie et le conseiller municipal Bouchard seront appelés à témoigner. Depuis le début des audiences, le 8 octobre dernier, le maire n'a pas commenté l'affaire publiquement. M. Bouchard, lui, a affirmé aux médias: «C'est une mouche - non, l'ombre d'une mouche - qu'on essaie de tuer avec un lance-roquette.»

Sanctions prévues à la loi

En vigueur depuis le 2 décembre 2010, la Loi sur l'éthique et la déontologie en matière municipale oblige les municipalités locales et les municipalités régionales de comté dont le préfet est élu au suffrage universel à adopter un code d'éthique et de déontologie liant les élus et de le réviser après chaque élection générale. La Commission peut imposer une ou plusieurs des sanctions prévues à la loi, soit:

> la réprimande;

> la remise du don, de la marque d'hospitalité ou de l'avantage reçu ou de tout profit retiré en contravention d'une règle énoncée par le code;

> le remboursement de toute rémunération, allocation ou autre somme;

> la suspension du membre pour une durée maximale de 90 jours, sans rémunération, allocation ou autre somme.