Des centaines de Canadiennes ont pris les armes pour défendre leur pays et permettre aux hommes d'aller combattre en Europe au cours de la Première Guerre mondiale.

À cette époque, les femmes n'étaient même pas admises dans l'armée, sauf pour soigner les blessés bien loin des lignes ennemies.

Un siècle plus tard, qui se souvient réellement du Women Home Guard, un groupe ayant connu une brève, mais populaire existence à Toronto ? Lancé en grandes pompes en 1915, le mouvement a rapidement périclité, victime de luttes intestines et des détracteurs, a indiqué une historienne qui l'a étudié.

Dans un livre intitulé Toronto's Amazon: Militarised Feminity and Gender Construction in the Great War, l'auteure Kori Street raconte que deux semaines après sa fondation, l'organisation - dirigée par une suffragette, Jessica Clare McNab - avait enrôlé 1000 femmes. Celles-ci désiraient participer à des exercices militaires et apprendre à manier des armes à feu ou des armes blanches.

«L'objectif du Women Home Gard était de libérer les hommes qui montaient la garde ici au pays, explique Mme Street. On n'avait pas besoin d'un détachement d'infanterie légère à la maison. On pouvait les envoyer outre-mer afin de participer à la vraie guerre, parce que des unités féminines pouvaient très bien garder les usines de munitions, s'occuper de la défense civile ou s'assurer de la sécurité des quartiers.»

La plupart des ouvrages portant sur la participation des femmes à la Grande Guerre se concentrent sur le rôle des 2800 infirmières canadiennes. La lutte des femmes pour forger leurs propres traditions militaires est rarement soulignée.

En temps de guerre, les femmes ont souvent remplacé dans divers métiers non traditionnels les hommes partis au front, mais elles ne sont pas parvenues à faire disparaître certains préjugés.

«Il y avait un cadre assez rigide qui déterminait ce que les femmes pouvaient faire ou ne pas faire au cours de la Première Guerre mondiale», souligne Sarah Glassford, coéditrice de A Sisterhood of Suffering and Service: Women and Girls of Canada and Newfoundland during the First World War.

Plusieurs ont canalisé leur énergie patriotique en tricotant des chaussettes, en préparant des bandages ou en récoltant des fonds caritatifs. Devenir infirmière était la solution «la plus radicale» pour celles qui voulaient servir leur pays.

La militarisation croissante de la société canadienne à cette époque a permis la formation de groupes de type cadet pour les femmes sans faire sourciller les autres membres de la société, soutient la chercheuse Street. Ainsi, le 17 août 1915, l'annonce de la fondation du Women Home Guard a été bien accueillie.

Les inscriptions étaient si nombreuses au cours des premières semaines que le conseil municipal de Toronto a accepté de fournir une tente pour faciliter le recrutement. Des groupes semblables se sont formés à Edmonton, Montréal et Hamilton.

La liste des membres du groupe torontois n'a jamais été retrouvée, mais des coupures de presse révèlent que ces femmes appartenaient à d'influentes familles.

Le mouvement a perdu de sa popularité à la suite d'un différend très public entre Mme McNab et son adjointe, une féministe passionnée nommée Laura McCully, qui reprochait à la fondatrice son manque d'organisation et des lacunes en matière de comptabilité. Elle l'avait aussi accusée d'être trop autoritaire. Le groupe s'est par la suite fractionné tandis que l'intérêt des médias s'étiolait. On ignore ce qu'est devenu le mouvement par la suite.

Le concept d'une force militaire composée de femmes a été «ridiculisé» par le niveau de la violence atteint lors de la Grande Guerre, souligne Mme Street. Toutefois, le bref succès remporté par le Women Home Guard démontre que les rôles stéréotypés des genres étaient alors en constante évolution, ce qui signifie que «cette période de l'histoire des femmes est beaucoup plus complexe et intéressante que ce qu'on imaginait», ajoute la chercheuse.