Les signalements en hausse et les compressions budgétaires font mal aux acteurs de la protection de la jeunesse, qui ont exigé hier un moratoire sur des coupes dont les enfants risquent de faire les frais, ont-ils averti.

«On a besoin de ressources supplémentaires, de psychologues, de psychiatres», a plaidé Line Beaulieu, de la Fédération de la santé et des services sociaux (affiliée à la CSN).

À propos de la Loi sur la protection de la jeunesse, créée il y a 35 ans, elle a dressé un constat d'échec. «On voulait faire diminuer les mauvais traitements et la négligence, mais force est de constater qu'on n'y arrive pas. C'est presque illégal, la façon dont on ne respecte pas cette loi», a-t-elle laissé tomber.

Son cri du coeur faisait écho au dépôt du dernier bilan des directeurs de la protection de la jeunesse (DPJ) du Québec, qui fait état d'une augmentation de 3% des signalements en 2013-2014. Au total, ce sont 82 919 signalements qui ont été traités par les DPJ de la province. L'équivalent de 227 situations dénoncées par jour.

Depuis 2010, le nombre de signalements a crû de 17,3%. Mais les ressources financières, elles, n'ont cessé de diminuer, ont dénoncé les syndicats, qui n'excluent pas de confronter le gouvernement Couillard et d'accumuler un déficit. «On aimerait que les DPJ se prononcent sur un refus de couper. Mais ce n'est pas le message qu'on reçoit», a déclaré Line Beaulieu. «Moi, je suis plus pour le dialogue que la réaction», a réagi le DPJ de la région de Laval, Jacques Dubé.

Surtout, les DPJ et leurs employés souhaitent que le gouvernement «comprenne» les nombreux impacts de ces compressions, sur les employés comme sur les enfants. «Près d'un employé sur trois quitte son travail après un an en centre jeunesse», a déploré Line Beaulieu, en évoquant des conditions de travail difficiles. Résultat: les enfants vivent des changements d'intervenants «de manière continue», a-t-elle poursuivi. «Leur situation se détériore, ils finissent dans des ressources qui ne sont pas adaptées à eux. Il y a plus d'itinérance, de fugues, d'exposition à la prostitution.»

Car les impacts des diminutions des services chez les jeunes se font sentir pendant des années, a poursuivi Jacques Dubé. «Chaque dollar investi dans l'enfance apporte 4$ à la société à long terme», a-t-il illustré, avant de souligner que la clientèle des centres jeunesse subit des compressions en double, étant donné les coupes budgétaires prévues dans l'aide alimentaire et l'aide aux devoirs. «Les plus vulnérables sont les plus touchés», s'est désolé Jacques Dubé.