Si certains doutent que l'imposition d'un péage sur le futur pont Champlain entraînera des problèmes ailleurs sur le réseau routier, le cas de Salaberry-de-Valleyfield a de quoi faire réfléchir. Cette ville de la Montérégie est paralysée depuis l'ouverture du pont de l'autoroute 30 par des camions qui évitent le péage.

«Infernal.» C'est ainsi que Geneviève Chevrier décrit la circulation dans la ville de 40 000 habitants.

Propriétaire d'un salon de bronzage à deux pas du boulevard Monseigneur-Langlois, cette commerçante a perdu des clients depuis l'ouverture du pont à péage de l'autoroute 30, à quelques kilomètres de sa porte.

«Les camions, quand la 30 a été ouverte, ils ne voulaient pas payer le péage, relate Mme Chevrier, qui est présidente de la Chambre de commerce et d'industrie Beauharnois-Valleyfield. Alors ils passent par notre pont, par notre ville. Ils utilisent notre boulevard qui mène à l'autoroute 30.»

Répercussions inattendues

Le prolongement de l'autoroute 30 et l'ouverture d'un pont à péage pour enjamber le Saint-Laurent devaient permettre d'accélérer la circulation des voitures et des camions dans la région de Montréal. Le projet a toutefois eu des répercussions inattendues à Salaberry-de-Valleyfield.

En traversant le pont Monseigneur-Langlois pour atteindre l'autoroute 30 sur la Rive-Sud, les camions s'évitent des tarifs de 3 à 12 $ sur le pont à péage. Ce trajet permet aussi à certains d'éviter un poste de pesée sur l'autoroute 20.

Par moments, les résidants ont l'impression de ne voir que des camions sur le boulevard Monseigneur-Langlois, qui relie le pont à la Rive-Sud. Cette artère est congestionnée plusieurs heures par jour, même en dehors des périodes de pointe.

«C'est une quantité phénoménale de camions, au point qu'il y a des ornières dans l'asphalte du boulevard Monseigneur-Langlois, dit Pierre Chevrier, directeur général de la Ville de Salaberry-de-Valleyfield. Il y a de la congestion aux feux de circulation.»

Il ne doute pas une seconde que cette situation découle directement de l'implantation d'un pont à péage à quelques kilomètres de sa municipalité. La congestion est apparue dès l'ouverture du nouveau pont. Le calvaire des automobilistes s'est encore aggravé, récemment, en raison de travaux routiers.

Les résidants mettent plus d'une demi-heure à faire des trajets qui leur prenaient 10 minutes. Les commerçants disent perdre des clients.

France Chassé, directrice générale d'un magasin Canadian Tire se trouvant sur le boulevard, est catégorique. Le péage est à l'origine du gâchis.

«Tout le monde évite le péage, les camionneurs nous l'ont dit, explique-t-elle. Ils disent qu'ils doivent payer le péage de leur poche alors que, quand ils passent chez nous, ça ne leur coûte rien et ils sont payés en heures supplémentaires.»

La Ville de Salaberry-de-Valleyfield a demandé au ministère des Transports d'intervenir. Mais il est impossible pour celui-ci de restreindre la circulation des camions puisqu'il s'agit d'une voie nationale.

Le Ministère n'a pas établi de lien direct entre l'imposition du péage et le début des problèmes d'engorgement à Salaberry-de-Valleyfield.

«On ne peut pas établir une corrélation directe, indique sa porte-parole dans la région de la Montérégie-Ouest, Marie-Michèle Pilon. On n'a pas fait d'analyse origine-destination sur les camions.»

Le président de l'Association du camionnage du Québec, Marc Cadieux, affirme qu'on aurait tort d'attribuer aux seuls camionneurs la responsabilité des bouchons. Il note que les poids lourds ont toujours circulé dans ce secteur en raison de la grande quantité de commerces et d'industries.

«Si [un camionneur] pense qu'il va économiser de l'argent et du temps en utilisant cette voie-là, il se trompe», affirme M. Cadieux en notant que la traversée de la 30 permet d'économiser temps et carburant.

Son organisme encourage ses membres à utiliser le pont payant, à condition que la tarification reste compétitive sur la structure.

Un pensez-y-bien

pour Champlain?


L'imposition d'un péage sur le futur pont Champlain provoquera-t-elle des problèmes semblables à ceux que connaît Salaberry-de-Valleyfield? Chose certaine, dit le directeur général de la Ville, Pierre Chevrier, plusieurs véhicules chercheront à éviter le nouveau pont.

«Pour économiser 2 ou 3 ou 5 $, c'est évident que les routes de rechange deviennent une solution, note M. Chevrier. Qu'il y ait des déplacements en fonction des coûts, je suis persuadé que oui: on le vit ici.»

Circulation sur le pont Monseigneur-Langlois

2010-2012: 35 000 véhicules par jour (7% de camions)

2013: 30 000 véhicules par jour (9% de camions)

Source: ministère des Transports