Traqués, ciblés et parfois intimidés. Plusieurs militants de gauche ont ainsi affirmé hier être la cible des policiers dans les actions qu'ils mènent, dans le cadre de la première journée d'audiences de la Commission populaire sur la répression politique, qui parcourra le Québec au cours des prochains mois.

Cette commission, présidée par trois universitaires socialement engagés, se veut en quelque sorte une réponse à «la commission bidon dirigée par Serge Ménard, où la question de la répression politique a été soigneusement évitée par cet ancien ministre de la Sécurité publique qui avait l'habitude de féliciter la police lorsqu'elle matraquait les militants», expliquent les organisateurs.

En après-midi, hier, le responsable de la logistique pour Greenpeace au Québec, Frédéric Bleau, a affirmé que les instances policières et politiques dépeignent ses militants comme des «écoterroristes» et que les peines que les tribunaux leur imposent à la suite de coups d'éclat tendent à devenir plus lourdes.

«Quand on touche à la question de la désobéissance civile, on se dit qu'il faut en faire plus pour ne pas leur donner raison. Nos actions sont pacifiques et nous donnons des formations à ceux que ça intéresse. Mais les peines sont plus sévères qu'avant, et les conditions imposées par la police dans l'attente d'un procès sont exagérées», a expliqué M. Bleau dans une salle de l'Université Concordia, où se tenaient les audiences.

Depuis quelque temps, dit-il, les policiers tentent d'imposer des conditions plus rigoureuses aux militants qui sont arrêtés puis libérés en attente d'un procès, notamment en leur interdisant de se rassembler en association. «C'est impossible de respecter ça pour ceux qui travaillent chez nous. Sinon, ça voudrait dire perdre son emploi», a précisé le militant.

Ne pas se limiter au printemps érable

Selon l'une des commissaires, la professeure au département des sciences juridiques de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) et ancienne présidente de la Ligue des droits et libertés, Lucie Lemonde, il faut sortir du cadre des débordements recensés lors des manifestations étudiantes de 2012 pour s'intéresser à l'évolution de la répression politique des 25 dernières années.

«On s'est collectivement insurgés contre les arrestations massives qui ont eu lieu pendant la crise d'Octobre, en 1970, mais aujourd'hui, personne ne réagit alors que le même phénomène s'accentue. [...] Il faut comprendre qu'on arrête parfois des centaines de personnes, on les détient pendant des heures, en vertu d'un règlement municipal, qui en plus n'est pas appliqué dans toutes les situations», a vigoureusement dénoncé la juriste en entrevue avec La Presse.

«C'est ça, du profilage politique. C'est arrêter une personne ou un groupe en raison de ce dont ils ont l'air, plutôt que de ce qu'ils sont», a-t-elle précisé.

En plus de Mme Lemonde, le professeur de sciences politiques à l'UQAM Francis Dupuis-Déri et la professeure à l'École de service social de l'Université de Montréal Céline Bellot coprésideront aussi bénévolement les audiences, qui se tiendront dans six villes du Québec au cours des prochains mois.

La Commission populaire sur la répression politique espère publier son rapport en 2015.

Abandon des poursuites contre des manifestants

La Ville de Montréal a abandonné ses poursuites contre près de 500 personnes arrêtées lors des manifestations des 23 et 24 mai 2012, une décision qui réjouit la Ligue des droits et libertés. «[Il faut] cependant souligner que cette décision vient démontrer le caractère disproportionné, abusif et arbitraire de ces arrestations qui auront été faites somme toute sans fondement», a-t-on dit hier par voie de communiqué. Selon l'organisme, dont un représentant témoignera devant la Commission populaire sur la répression politique, le règlement municipal P-6 permet aux forces de l'ordre d'exercer un pouvoir discrétionnaire qui laisse place à des pratiques arbitraires.