Le Nouveau Parti démocratique (NPD) promet de lancer une enquête publique sur les femmes autochtones disparues et assassinées, au plus tard 100 jours après l'élection d'un gouvernement néo-démocrate.

Le chef Thomas Mulcair a pris cet engagement mercredi.

Et dès les premiers jours de son gouvernement, il entend commencer les consultations avec les Premières Nations, les groupes de défense des femmes et les experts pour définir les paramètres de la commission d'enquête, a-t-il précisé.

«C'est une honte nationale, une tragédie», a déclaré le chef du NPD au sujet de cette violence faite aux femmes.

Il a aussi fustigé le premier ministre Stephen Harper qui refuse de déclencher pareille enquête, malgré des demandes répétées des communautés autochtones et des politiciens.

«Il est très borné et il nie la violence à laquelle ces femmes font face», a dit M. Mulcair à propos du premier ministre.

La semaine dernière, M. Harper a déclaré que les enquêtes policières, et non une enquête nationale, sont la meilleure façon de traiter et de résoudre les meurtres et les enlèvements des femmes autochtones.

«Nous ne devons pas y voir un phénomène sociologique, a alors dit le premier ministre, en conférence de presse. Nous devons y voir des crimes. Des crimes contre des innocents, et des crimes qui doivent être traités en conséquence.»

Un commentaire sans coeur, a réagi M. Mulcair mercredi.

Le NPD commence ainsi à faire des promesses électorales, à environ un an du prochain scrutin.

Pour faire valoir l'urgence de la situation, le chef néo-démocrate a rappelé les chiffres fournis par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), selon lesquels environ 1200 femmes autochtones ont été assassinées ou portées disparues au pays depuis 30 ans.

Il a aussi rappelé que si les femmes des Premières Nations ne constituent que 4 pour cent de la population féminine, elles représentent 16 pour cent des femmes assassinées au pays.

Il signale qu'une enquête sur une base nationale est nécessaire car la situation des femmes varie d'une région à l'autre. «Il faut trouver les raisons systémiques et développer des solutions», a dit M. Mulcair.

Même si le travail fait en tables rondes actuellement et le forum provincial-fédéral proposé par les provinces et les territoires en marge du Conseil de la fédération, à Charlottetown, sont utiles, seule une enquête permettra d'aller au fond des choses, croit le chef néo-démocrate.

Et faire une telle enquête sans la participation d'Ottawa répondrait seulement à une partie du problème.

Le Parti libéral du Canada et le Parti vert ont réitéré leur appui à une telle commission d'enquête, qui devrait être tenue dans les meilleurs délais.

Stéphane Dion, député libéral, a souligné en point de presse mercredi que son parti la réclame depuis 2006.

«Le premier ministre n'a aucune raison de la refuser», soutient-il.

L'argument de M. Harper selon lequel cela va ralentir l'action pour améliorer les choses est erroné, dit-il. Tout comme celui selon lequel ces femmes sont victimes d'actes criminels individuels.

«Il faut prendre tous les moyens, croit M. Dion. Et une enquête publique est un outil-clé».

Les provinces proposent un forum

Les chefs des gouvernements provinciaux du Canada et les leaders autochtones demandent au gouvernement fédéral de participer à une table ronde pour discuter du dossier des femmes autochtones assassinées ou disparues.

Le premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, Robert Ghiz, a précisé que bien que ses homologues des autres provinces et les chefs autochtones souhaitent toujours la tenue d'une enquête publique, ils se sont entendus sur un compromis dans l'espoir d'amener le fédéral à la table.

«Nous croyons qu'il est préférable de faire un compromis et d'ouvrir les premières discussions plutôt que de nous asseoir et de nous dire que nous allons attendre la prochaine élection et voir ce qui se passera», a expliqué M. Ghiz.

Le premier ministre prince-édouardien a ajouté qu'il aimerait que des ministres fédéraux, comme ceux attitrés à la Justice ou aux Affaires autochtones, participent à la table ronde, précisant toutefois que la proposition en était toujours à l'étape préliminaire.

Avant la rencontre de mercredi entre les premiers ministres provinciaux et les leaders autochtones à Charlottetown, le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, avait exprimé son appui envers l'idée.

«Je ne crois pas que qui que ce soit souhaite un autre processus lourd et interminable qui ne se conclura par aucune action et aucun résultat», a affirmé M. Wall.

Le premier ministre saskatchewanais croit que le forum devrait se pencher sur le système judiciaire et l'éducation des Premières Nations et mettre l'accent sur les responsabilités des groupes autochtones.

Mercredi, la présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, Michèle Audette, a qualifié cet appui des provinces de «bonne nouvelle». L'Assemblée des Premières Nations appuie elle aussi l'initiative des provinces.

Cet appel au gouvernement fédéral survient moins de deux semaines après la découverte du corps d'une Autochtone de 15 ans dans la rivière Rouge, à Winnipeg.

Les chefs autochtones ont déclaré que la mort de Tina Fontaine, considérée comme un homicide par la police, avait mis en lumière la nécessité d'une enquête publique.

«Je voudrais rappeler qu'il ne s'agit pas d'un sujet théorique abstrait, a pour sa part souligné le premier ministre du Québec, Philippe Couillard. (Ce sont) des visages et des noms, des catastrophes terribles pour des familles et des jeunes femmes bien sûr. On parle de Tina Fontaine, mais ça existe au Québec également.»

En mai, la GRC a publié une étude de 1181 cas liés aux femmes autochtones depuis 1980. L'étude a révélé que les femmes autochtones représentent 4,3 pour cent de la population canadienne, mais 16 pour cent des homicides chez les femmes et 11,3 des cas de disparitions de femmes.

Le premier ministre québécois a indiqué qu'il continuait de soutenir la demande des Premières Nations sur la tenue d'une enquête. Le premier ministre Stephen Harper a toutefois rejeté cette requête, indiquant que la majorité des cas comme celui de la jeune Fontaine devraient être traités par la police. Selon lui, ce serait une erreur que de considérer ce crime comme faisant partie d'un «phénomène sociologique».

«Il y a un crime, mais en-dessous du crime, il y a un problème social profond dans les communautés autochtones», croit pour sa part Philippe Couillard.