L'attaque d'un fourgon blindé et le vol d'un chargement d'argent liquide à Brossard sèment la grogne chez les convoyeurs de fonds, qui croient que les employés auraient eu plus de chances de se défendre si les équipes de nuit n'avaient pas été réduites récemment par souci d'économie.

Le scénario est un classique du genre. Vers 23h jeudi, deux hommes armés portant des masques d'Halloween ont fondu sur deux convoyeurs de la firme Garda qui sortaient d'une succursale de la Banque Royale, au centre commercial Place Portobello, à Brossard.

Menaçant les employés de leurs fusils, ils les ont désarmés, puis les ont aspergés de poivre de Cayenne avant de prendre la fuite avec le magot. Les policiers parlaient initialement de 430 000$ dérobés, mais Garda a affirmé en soirée que la somme volée est moindre.

La police de Longueuil a confirmé quelques heures après le vol avoir retrouvé une fourgonnette grise, à l'angle des boulevards Taschereau et de Rome, près des lieux du crime. Elle avait été volée en avril et a probablement servi de véhicule de fuite, selon les enquêteurs.

«Ce sont des professionnels, il n'y a plus beaucoup de gens qui font ça aujourd'hui. Et c'est surprenant parce qu'on n'a pas vraiment cette criminalité-là à Longueuil d'habitude», a confié une source policière peu après l'événement.

Seulement deux convoyeurs

Malgré l'heure tardive, il n'y avait que deux convoyeurs de fonds pour protéger le chargement de centaines de milliers de dollars, hier. Car, au terme de dures négociations à la fin de l'an dernier, les employés ont fini par accepter une demande de Garda, qui voulait faire passer les équipes de nuit à deux convoyeurs plutôt que trois comme auparavant.

«C'était une question de profits, c'était clair pour l'employeur, sinon on s'enlignait pour un conflit de travail. Mais on a toujours dit qu'on continuerait à mener la bataille pour des équipes de trois personnes», explique Angélique Paquette, du Syndicat national des convoyeurs de fonds.

«Cet événement nous rappelle l'importance d'un troisième agent en tout temps. Une troisième personne peut surveiller, réagir et réfléchir, contrairement à n'importe quelle technologie. On aurait certainement pu changer le cours des événements hier, comme ça», dit-elle.

Le syndicat, qui souhaite que le gouvernement impose des règles de sécurité plus strictes à l'industrie, a obtenu hier une promesse de rendez-vous avec le cabinet de la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, pour en discuter.

Douloureux souvenirs

Le braquage de Brossard a rappelé à Pierre Cronier le jour où lui-même s'est retrouvé sous une pluie de balles devant le camion blindé dont il avait la garde. C'était en 2008, lors de l'attaque ratée d'un camion Garda au mont Avila, l'une des attaques de fourgon les plus violentes des dernières décennies.

Les voleurs, équipés de mitraillettes et viseurs au laser, avaient battu son partenaire à coups de poing et de pied en tentant de lui arracher son arme. Cronier avait ouvert le feu avec son pistolet, blessant un des bandits, puis avait dû esquiver un feu nourri. Fortement ébranlé, il n'a pas réussi à faire reconnaître l'incident comme un accident de travail pour être indemnisé. Aujourd'hui, il pense aux agents qui ont été mis en joue à Brossard.

«Je les plains. L'époque aujourd'hui est à la productivité, peu importe les conséquences. La pression est très forte sur le nombre de clients à l'heure, le temps passé à chaque endroit. À juste deux agents, ils entrent les deux à l'intérieur de la banque. Personne ne surveille l'extérieur pour voir les mises en situation. Quand les gars sortent, c'est une surprise à chaque fois. Et l'employeur ne veut pas qu'ils prennent trop leur temps», dit-il. Celui qui a connu plusieurs sociétés de transport en 30 ans affirme que les agents de Garda sont parmi les mieux formés de tous, mais qu'ils mettent tout de même leur vie dans la balance chaque jour.

«Profondément touchés»

La direction de Garda réplique que la sécurité des agents demeure sa priorité. «Nous sommes profondément touchés lorsque de tels événements se produisent», affirme Isabelle Panelli, directrice des affaires corporatives.

«À notre avis, un troisième agent n'aurait rien changé. Il est dans les normes de l'industrie en Amérique du Nord que le travail s'effectue avec deux agents dans les camions blindés», dit-elle.

«Notre message est clair et nous voulons faire savoir qu'on ne s'attaque pas à nos employés et que nous engagerons tous les efforts nécessaires afin de débusquer les voleurs», affirme Mme Panelli.